L'ENO licencie en cours de représentation

Xl_eno © DR

Alors que l’on quittait la situation houleuse de l’English National Opera sur une note apparemment positive avec le report de la grève qui menaçait The Handmaid’s Tale, la maison lyrique londonienne vient de relancer le débat avec un licenciement quelque peu choquant.

Nous ne reviendrons pas sur les origines de cette discorde entre l’Opéra et ses employés – déjà développée à plusieurs reprises dans nos colonnes – ni sur la menace de grève annoncée pour le début du mois. Rappelons toutefois que les décisions drastiques concernant les conditions de travail et surtout la question de licenciements étaient à l’origine des désaccords entre les employés et la maison. Les syndicats et la direction avaient néanmoins réussi à trouver un accord temporaire, permettant à la production d’avoir lieu sans encombre.

Une annonce de licenciement qui tombe mal

Toutefois, lors de la dernière représentation de The Handmaid’s Tale (on rendait compte de l'intense première représentation), l’ENO a fait parvenir un mail à certains des artistes de la production durant le dernier entracte de la soirée. Des e-mails qui ne contenaient rien de moins que des avis de licenciement ! Les artistes ayant reçu ces avis ont été particulièrement choqués et beaucoup ne savaient pas s’ils devaient poursuivre la représentation ou abandonner. Heureusement, leur professionnalisme a permis au public de jouir pleinement de l’intégralité de la représentation.

Selon The Telegraph, les avis de licenciement ont commencé à être envoyés par voie électronique peu avant le lever du rideau lors de cette ultime représentation de l’opéra, mais de nombreux artistes n’en ont vu les détails que durant l’entracte, lorsqu’ils ont découvert les notifications en coulisses, ce que rapporte également Slipped Disc (selon une source anonyme mais qualifiée de confiance) :

« Les membres du chœur et de l'orchestre ont commencé à recevoir ce soir des avis de licenciement officiels de la part de la « directrice du personnel » de l'ENO, Denise Mackenzie, à partir de l'heure précédant le lever de rideau de la représentation finale de The Handmaid's Tale, et cela tout au long de la soirée. De nombreux chanteurs et musiciens ont vu pour la première fois leurs e-mails de licenciement pendant l'entracte. Handmaid’s Tale est l’une des œuvres les plus exigeantes techniquement et émotionnellement du répertoire récent de l’ENO. La chef d'orchestre, Joana Carneiro, a été horrifiée lorsqu'elle a appris ce qui se passait, puis stupéfaite que le spectacle ne montre aucun signe de la tourmente infligée aux interprètes en temps réel ».

Plusieurs critiques ont souligné l’ironie de la situation, dans le cadre d’une adaptation du roman de Margaret Atwood qui dépeint une société dystopique qui déshumanise une partie de la population, et certains n’hésitent pas à qualifier la gestion des licenciements comme étant « cruelle, méchante et irréfléchie » (les mots sont de Susan McCulloch). Un avis qui semble globalement partagé, comme l’indique la déclaration de Hilary Davan Wetton, directrice musicale du City of London Choir et ancienne professeure de direction d'orchestre à la Guildhall School of Music : « L'existence d'un « directeur du personnel » vous indique immédiatement que vous entrez dans un monde de double langage orwellien. Le simple fait que des avis de licenciement puissent être envoyés à mi-parcours – sans aucun contact humain – est une honte. »

Quid de l’accord obtenu ?

Toujours selon The Telegraph, « à la suite de négociations avec le syndicat des musiciens, l’ENO a accepté de revoir ses projets, qui impliquaient le licenciement de l’ensemble du personnel des chœurs, des orchestres et de la musique avant de les réembaucher à temps partiel pour une période de six mois par an. Aux termes du nouvel accord, les musiciens seront toujours licenciés, mais seront réembauchés à une date ultérieure avec un mois de travail supplémentaire garanti, une indemnité minimale de licenciement et des "améliorations du contrat proposé". »

Réaction de l’English National Opera

Le site Slipped Disc rapporte que l’ENO a envoyé un message à ses adhérents « concernant les malheureux événements de jeudi dernier », révélant, selon le site, « de profonds niveaux d’incompétence de l’entreprise » :

« Mercredi, nous avons conclu un accord final avec le syndicat des musiciens selon lequel, à mesure que nous nous dirigeons vers une saison londonienne plus courte, nos musiciens seraient licenciés de leurs contrats londoniens actuels, puis réembauchés sur un nouveau contrat de sept mois.
Dans le cadre de cet accord, il a été précisé que l’ENO serait légalement tenue d'émettre des avis de licenciement le 15 février. Nous tenons à préciser clairement qu'aucun membre de notre personnel n'a été licencié, que tous se verront garantir une offre de réemploi dans le cadre d'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée et que les avis de licenciement émis étaient une conséquence indirecte de l'accord conclu
 ».

Cet épisode est un nouveau rebondissement dans cette série mouvementée que connaît l’English National Opera. Malheureusement, ce dernier n’apparaît pas sous son meilleur jour avec ces annonces de licenciement en cours de concert, et il n’est pas exclu que des conséquences soient à prévoir. L’affaire reste probablement à suivre.

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