Le chef Teodor Currentzis crée l’orchestre Utopia

Xl_teodor-currentzis__nina-vorobyova © Nina Vorobyova

Enfant terrible du monde classique, le chef Teodor Currentzis est évidemment étroitement associé à musicAeterna, l’ensemble qu’il a fondé en 2004 à Perm, dans l’Oural. Par voie de communiqué, le chef grec dévoile néanmoins son prochain projet : la création d’un nouvel orchestre baptisé Utopia composé de 112 musiciens originaires de 28 pays, animés par la volonté de concrétiser « une tentative idéaliste de trouver une approche de la création musicale qui permette d'atteindre l'essence intrinsèque du texte musical ». Après quelques années de négociation avec les artistes, le projet Utopia est maintenant prêt à être lancé et les premières représentations de la formation sont prévues pour octobre prochain, d’abord à la Philharmonie Luxembourg puis en tournée en Europe, à la Laeiszhalle de Hambourg, la Wiener Konzerthaus et la Philharmonie de Berlin. Et le chef souligne que ce nouvel ensemble bénéficie de financements européens.

Un contexte politique lourd

La mention n’est pas anodine dans la mesure où Teodor Currentzis et son ensemble musicAeterna sont actuellement au cœur de polémiques en lien avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Teodor Currentzis a fait ses études en Russie et ses premiers pas professionnels à Moscou et Saint Pétersbourg avant d’installer son ensemble à Perm, et d’obtenir la citoyenneté russe en 2014. Au-delà du parcours du chef d’orchestre, son ensemble musicAeterna profite notamment de financements de la banque russe VTB Bank qui fait l’objet de sanctions économiques dans certains pays occidentaux depuis l’invasion russe en Ukraine. Une proximité avec la Russie ayant déjà conduit à l’annulation ou au report de plusieurs représentations du chef et de son ensemble – notamment à Vienne en avril dernier ou à la Philharmonie de Paris en mai.

Aujourd’hui, Teodor Currentzis ne commente pas la situation politique (évoquant « des raisons de sécurité » pour les proches des membres de son ensemble qui résident en Russie) et le chef est néanmoins ponctuellement invité à se produire, comme actuellement au Festival de Salzbourg où il dirige le diptyque réunissant Le Château de Barbe-Bleue de Béla Bartók et La comédie de la fin des temps de Carl Orff (on en rend compte, en allemand), mais à la tête du Gustav Mahler Jugendorchester.

Transcender les carcans

Dans ce contexte lourd, l’ensemble Utopia a manifestement vocation à transcender les carcans tant sur un plan musical que plus global. Le chef d’orchestre y voit « une vieille idée portée par nombre de musiciens des quatre coins du monde : unir ceux partageant une même idée de la musique afin de créer sans compromis ce que notre imagination musicale peut concevoir ». Il poursuit : « il s’agit d’une tentative de sortir des carcans d’institutions certes respectables et nécessaires, mais dont on peut aussi s’émanciper pour créer ce que l’on pourrait décrire comme une certaine forme de standardisation internationale du son. Nous aspirons à une approche plus expérimentale de la recherche du son parfait, avec des musiciens d’exception animés par la même ambition. En premier lieu, c’est l’intimité qui souffre de cette uniformisation. Cette émotion, cette unité et ce dévouement peuvent assurément être trouvés dans le travail de solistes et de petits collectifs. Nous voulons retrouver cette identité chambriste et cette intimité jusque dans les formations les plus imposantes. Dès lors, nous allons abandonner ce que nous connaissons pour sauter dans l’inconnu. Evidemment, c’est une idée utopique. L’utopie est par définition impossible, mais c’est ce qui nous attire – faire l’impossible. Les rêves deviennent réalité uniquement quand on refuse l’impossible ».

Fort de ses 112 interprètes issus de toutes origines (incluant la Russie et l’Ukraine), l’ensemble Utopia se définit comme un « orchestre libre » dont la composition pourra varier selon les engagements et les nécessités de chaque partition. La première tournée de la formation s’articulera autour d’œuvres de XXème siècle : L’Oiseau de feu de Stravinsky dans sa (rare) troisième version de 1945, ainsi que la Suite n° 2 de Daphnis et Chloé et le poème pour orchestre La Valse de Ravel. En 2023, l’ensemble Utopia interprétera ensuite la Symphonie n° 3 de Mahler.

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