Alcina au Festival d'été d'Aix-en-Provence

Xl_alcina © Patrick Berger

Après Ariodante l'an passé, le Festival d'Aix-en-Provence offre une nouvelle production d'un ouvrage de Georg Friedrich Haendel, l'un de ses cinq « opéras magiques » : Alcina. La metteure en scène britannique Katie Mitchell – dont on se souvient du travail sur Written on skin de George Benjamin in loco en 2012 – reprend le dispositif scénique conçu alors pour cet ouvrage, à savoir une demeure sur deux étages vue en coupe. Au centre en bas, un superbe appartement bourgeois où évoluent Alcina et Morgana dans l'éclat de leur jeunesse, de leur pouvoir et de leur beauté ; mais dés qu'elles en sortent (des actrices prennent alors le relais de manière très synchronisée), elles deviennent deux vieilles femmes laides, à la démarche lourde, car c'est là leur véritable apparence, et seule la magie leur permet de prendre un aspect séduisant. Cet espace central est aussi celui dévolu à leurs plaisirs (souvent sadomasochistes), lieu où elles attirent les hommes et assouvissent leurs désirs, avant de les transformer en animaux empaillés - grâce à une machine infernale située à l'étage – puis de les exposer dans des vitrines... L'Alcina de Katie Mitchel n'est rien d'autre qu'une réflexion sur la solitude des êtres et l'impasse du sentiment amoureux.

Grâce à une virtuosité éclatante et une parfaite science du da capo, Patricia Petibon parvient à imposer une incarnation mémorable du rôle-titre. La voix est sensuelle et frémissante, l'aigu aisé et lumineux, la ligne voluptueuse, et son Alcina s'avère d'une sensualité troublante. Elle relève haut la main le défi que constituait cette prise de rôle. Loin des Morgana soubrettes, la soprano autrichienne Anna Prohaska - dont nous dressions dernièrement un portrait dans ces colonnnes - offre une composition vocale et dramatique à la fois riche et nuancée de la sœur d'Alcina. De son côté, Katarina Bradic rayonne en Bradamante : la longueur du souffle et la précision de l'intonation imposent en permanence la vérité des sentiments. Quant à Philippe Jaroussky, il manque cruellement d'ampleur et d'impact sonore en Ruggiero (rôle il est vrai généralement dévolu à des mezzos), malgré un belle prestation vocale. Le jeune ténor britannique Anthony Gregory impose un Oronte sensible et délicat, tandis que la basse polonaise Krzystof Baczyk campe un Melisso emphatique. Issu des fameux Tölzer Knabenchor, Lionel Wunsch offre enfin une éblouissante démonstration de ses talents de chanteur en herbe, et interprète tous les airs d'Oberto en se permettant une ornementation avec sauts d'octave.

Dernier bonheur de la soirée, la direction alerte, tout en dynamisme d'Andrea Marcon. A la tête du magnifique Freiburger Barockorchester, le chef italien valorise la variété et la poésie du discours haendélien, avec un beau travail sur les da capo que tous les chanteurs ornent avec un respect inventif des pratiques de l'opéra baroque.

Emmanuel Andrieu

Alcina de Georg Friedrich Haendel au Festival d'Aix-en-Provence, jusqu'au 20 juillet 2015

Crédit photographique © Patrick Berger

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