Rencontre avec Stéphanie d'Oustrac, Sesto à l'Opéra National du Rhin

Xl_st_phanie_d_oustrac © DR

Arrière-petite fille de Francis Poulenc, la mezzo française Stéphanie d'Oustrac est plébiscitée tant pour ses talents de tragédienne que pour ses qualités de diction, qui lui permettent d'incarner des personnages aussi forts que Médée, Armide, Didon et bien sûr Carmen. Mais c'est dans un rôle de travesti que nous la retrouvons à l'Opéra National du Rhin, où elle incarne le personnage de Sesto dans La Clémence de Titus de Mozart. Nous l'avons rencontrée le jour de la Première...

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Opera-Online : Vous reprenez actuellement – à l'Opéra National du Rhin -  le rôle de Sesto dans La Clemenza di Tito de Mozart. Comment présenteriez-vous ce personnage et quelles en sont les difficultés ?

Stéphanie d'Oustrac : Sesto est un personnage très intéressant dans l'ouvrage de Mozart, un être tiraillé entre son amour dévorant pour Vitellia et son amitié pour l'Empereur Tito. Les difficultés de cette partie tiennent à l'endurance, car Sesto est très souvent sur scène, avec des parties chantées particulièrement intenses : c'est tout ce que j'aime ! (rires)

Après avoir incarné Sesto dans la production de Willy Decker à l'Opéra National de Paris (en 2010), c'est sous la houlette de Katharina Thoma que vous chantez à l'Opéra National du Rhin. Pourriez-vous nous parler de son travail ?

J'avoue avoir beaucoup de chance, car après Willy Decker, qui m'a beaucoup marquée par sa générosité, son charisme, son attention aux autres, je suis maintenant entre les mains d'une jeune femme musicienne et passionnée. Katharina est arrivée en connaissant parfaitement la partition - ce qui n'est pas si fréquent... - et une idée assez bien définie de chaque rôle, mais en se laissant parfois surprendre par certaines de nos propositions : ce qui est une grande marque d'intelligence et de force...

Aviez-vous donc votre propre conception du rôle avant le début de cette collaboration ?

J'ai effectivement une certaine idée du rôle de Sesto, surtout après avoir été si heureuse entre les mains de Decker, mais mon vœu le plus cher est toujours de découvrir un autre aspect, une autre vision de l'œuvre et du personnage. Il ne faut jamais plaquer ce que l'on a fait avant, ce serait la mort de la création et du partage. Katharina situe l'action dans les années 50, ce qui fait que ma gestuelle, par exemple, sera très éloignée de celle que j'avais au Palais Garnier. Ce sont des détails, mais ils permettent d'aller chercher autres choses dans le jeu.

Vous avez fait vos débuts scéniques à l'Académie d'Ambronay avec le rôle de Médée, dans le Thésée de Lully. Qu’avez-vous appris avec William Christie ?

William Christie est un chef exigeant mais quand l'artiste répond à ses demandes, il se crée une relation de confiance et de complicité qui est totalement épanouissante. Il fut mon plus grand professeur pour la scène en me disant dès mes débuts : «  Etonne moi ! » : ce que je n'ai eu de cesse d'appliquer...

L'opéra et le récital vous apportent-ils autant de satisfaction sur le plan de l'expression dramatique ?

L'un et l'autre sont complémentaires ; à l'Opéra, j'aime ces moments de répétition où l'on cherche, où l'on joue les uns avec les autres, et où l'on a un seul personnage à approfondir ; en récital, la musique est reine : on y a de multiples personnages à esquisser. J'ai d'ailleurs plus d'affinités avec les mélodies développées, c'est étrange non ?! (rires)

Pourriez-vous nous parler de votre (longue) collaboration avec le pianiste Pascal Jourdan ? Après « L'Invitation au voyage », un autre opus est-il prévu ?

J'ai découvert le récital grâce à Pascal Jourdan lors de ma première année au CNSM de Lyon en 1994, et depuis nous n'avons jamais arrêté d'explorer le répertoire. C'est un pianiste au caractère fort et nous avons assez souvent des échanges vigoureux, mais notre passion musicale est telle que nous trouvons toujours un terrain d'entente. Cette complicité de vingt ans est irremplaçable pour le récital :  nous sommes de vrais partenaires. Ce ne sont ni les envies ni les projets qui nous manquent, et ce sera le Label Ambronay qui sera le premier à les connaître : la fidélité se situe là aussi...

Vous serez Carmen prochainement au festival de Glyndebourne. Votre conception du rôle a-t-elle évolué depuis votre incarnation de ce personnage mythique à l'Opéra de Lille ?

J'espère toujours, à chaque nouvelle production, que ce soit avec Carmen ou autre ouvrage, découvrir une nouvelle vision de mon personnage. J'aime servir un projet commun : ce travail de groupe me réjouie. La future production de Carmen à Glyndebourne n'est pas nouvelle, mais j'espère me l'approprier comme si c'était une création... À suivre !

Prenez-vous plaisir à mourir en scène ?

J'aime céder à cette « facilité » en effet : il est plus difficile de faire rire que de faire pleurer. La chance m'a été donnée de faire les deux cependant, je ne suis jamais autant épanouie que dans les rôles de tragédienne. Mourir sur scène me procure une forme d'extase...

Pouvez-vous nous parler de vos prochaines incarnations ?...

Mes prochaines incarnations seront Irene dans l'oratorio Theodora de Haendel au Théâtre des Champs-Elysées, le rôle-titre de L'Aiglon de Ibert/Honneger à l'Opéra de Marseille, Béatrice dans Béatrice et Bénédicte de Berlioz à La Monnaie de Bruxelles, la Médée de Charpentier à l'Opéra de Zurich, et bien sûr Carmen au Festival de Glyndebourne... Bref, le bonheur dans la diversité !

Propos recueillis à Strasbourg par Emmanuel Andrieu

Stéphanie d'Oustrac dans La Clemenza di Tito de Mozart à l'Opéra National du Rhin –  Du 6 février au 8 mars 2015

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