Chronique de disque : « Johann Joseph Abert – Un portrait musical »

Xl_chronique-de-disque-jj-abert-ein-musikalisches-portrait © Ars Produktion

Compositeur à succès en son temps, avant d’être relativement oublié aujourd’hui, Johann Joseph Abert se dévoile dans un disque signé par les éditions Ars Produktion qui prend des allures de « portrait musical » pour offrir un panorama complet de toute la diversité de son répertoire. Chronique du disque.

Il s'agit ici d'un portrait du compositeur allemand Johann Joseph Abert, une sorte d'appât ou plutôt d’happeau pour musicophiles curieux, ce qui explique que ce disque ne contienne que des extraits.

Compositeur allemand née en 1832, Johann Josph Albert connut la gloire à partir 1860. Compositeur donc autant de musiques de chambre, que d'orgue, de Lieder et d'opéras, ainsi que le donne à entendre ce portait musical, il fut autant apprécié professionnellement qu'humainement par ses pairs. Il n'a effectivement pas à rougir devant Brahms et Schuman dont il dirigea l'exécution des œuvres à Wuttenberg, où il exerça les charges de compositeur et chef d'orchestre de la cour royale. Après l'avoir découvert ici, les amateurs souhaiteront sans doute un autre disque d'extraits avec ses musiques pour grands ensembles, Abert ayant également composé des symphonies, des messes, des ouvertures et de la musique concertante.

Ici, les amateurs découvrent ses Lieder et des extraits de son œuvre orchestrale la plus connue, Columbus, et de son opéra Astorga, retravaillés pour piano et voix, mais aussi l'adagio et le scherzo de son quatuor et des préludes pour orgues. Ils apprécient avec cet aperçu partiel de son œuvre de découvrir son style. Assis entre Brahms et la modernité venante, qu'incarnera surtout Richard Strauss, Mahler ou Zemlinsky, il laisse ici une œuvre intéressante de Lieder plaisants, qui s’inscrivent dans une belle nébuleuse parmi ceux de Schubert et de Brahms, et surtout un quatuor aux violoncelles très modernes, approchant avec leurs tons abrupts, leurs ruptures et cassures, ceux des modernes.

Il faut passer outre les fragilités des chanteurs, comme les aigus un peu aigrelets des sopranos et des mezzo-sopranos, et le timbre convenu un peu guindé du ténor, pour découvrir une autre sensibilité se dessinant avec lui, en une rudesse, une dureté et des tranchants venants. Il en va de même avec ses œuvres pour orgue, encore très inspirées par le Bach qu'il étudiait dans ses années d'étude, indiquant déjà une autre ère.

À côté des Brahms, Liszt et autre Schumann, et avant les Richard Strauss, Paul Hindemith et Hans Pfizner, il laisse une œuvre voulant percer, mais encore très prise par son époque. Richard Strauss lui-même, avant de devenir un wagnérien convaincu, était un brahmsien de premier ordre, comme le montre sa Burlesque pour piano et orchestre. Ce qui n'empêche pas ses compositions d'être honnêtes et de fort bon aloi.

Au-delà de la personne d'Abert, ce disque livre aussi un aperçu musical de son époque. Abert partageait avec ses pairs un état d'esprit, une sorte de Zeitgeist, que ce disque retransmet très bien, une volonté de transcender le romantisme sans pour autant y parvenir totalement. Il faudra attendre la génération suivante des Richard Strauss, Paul Hindemith et encore Hans Pfizner pour cela. Son œuvre n'en démérite pas moins, et sera très appréciée aux concerts.

Une société des Amis d'Abert a été créée après sa mort. Elle existe toujours. Il faut sans doute actuellement aller chercher dans ces sociétés d'amis de compositeurs et compositrices négligés pour renouveler le tableau de la musique du passé.

Andreas Rey

CD « Johann Joseph Abert – Un portrait musical » aux éditions Ars Produktion (1er avril 2025)
Interprètes : Martin Nagy, Ira Maria Witoschynskyj, Joachim Draheim, Megumi Sano, Larissa Wäspy, Roswitha Sicca, Thomas Pfeiffer...

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