Un sympathique Gianni Schicchi à l'Opéra de Montpellier

Xl__gianni-schicchi-6-oonm_marc-ginot © Marc Ginot

On avait remarqué dans le premier spectacle mis en scène par Marie-Eve Signeyrole à l'Opéra de Montpellier (Royal Palace / Il Tabarro) une tendance à la surcharge scénographique. On retrouve dans le deuxième volet de ce Triptyque de Puccini le même écueil, malgré un contexte dramatique plus léger. Car l'oeil est régulièrement distrait par la profusion d'informations sur la scène. Dans La Nuit d'un neurasthénique de Nino Rota donnée en première partie de spectacle, les décors de Fabien Teigné sont pourtant extrêmement ingénieux, et les vidéos apportent un vrai plus à la caractérisation du récit, mais rien n'y fait, l'action dramatique ne passe pas et le sens se retire derrière un séduisant feu d'artifice visuel.


La nuit d'un neurasthénique ; © Marc Ginot

Gianni Schicchi ; © Marc Ginot

Ecrit en 1959, l'ouvrage de Nino Rota raconte, sur un mode bouffe, la tragique nuit d'un homme que les bruits extérieurs rendent fou. C'est un court opéra radiophonique d'une trentaine de minutes, dans lequel le compositeur des films de Fellini fait montre d'un sens certain du patchwork avec des allusions à Wagner, Prokofiev, Rossini voire Gershwin dans un savoureux air jazzy. Le ton oscille entre le burlesque et l'héroï-comique, sans que la mécanique fantaisiste ne se mette véritablement en place. Est-ce la faute à un ouvrage (conçu, rappelons-le, pour la radio) ou à une mise en scène trop sage ? La Nuit d'un neurasthénique déçoit, malgré la beauté de l'orchestration de Rota. Pour cette deuxième représentation, le baryton-basse Bruno Practicò (qui a le physique de l'emploi) paraît en outre lui-aussi curieusement en sous-régime.

Changement total de décor avec Gianni SchicchiMarie-Eve Signeyrole semble tirer les leçons de sa première partie. Ici, le décor est presque entièrement nu. Seul le sol est recouvert de cendres comme dans le cratère d'un volcan. C'est que la metteuse en scène a choisi d'axer sa dramaturgie sur la citation de l'Enfer de Dante qui conclut l'ouvrage de Puccini. En lieu et place de la Florence de 1300, on se retrouve sous un ciel terne parcouru de corbeaux. Ne subsiste alors que la famille Donati, terribles rapaces à l'affût de l'héritage de leur proche Buoso. Dans cette comédie humaine, la distribution vocale largement italienne s'en donne alors à cœur joie.  Dans le rôle-titre, Bruno Taddia réussit un imparable numéro en Schicchi joyeusement manipulateur, on saluera également l'abattage scénique de Romina Tomasoni en Zita, et le couple Rinuccio / Lauretta de Davide Giusti et Giulana Gianfaldoni qui apporte le frisson du grand opéra.

Bien servie par l'Orchestre National Montpellier Occitanie dirigé par Francesco Lanzillotta, la musique de Puccini est un miracle d'efficacité et timing comiques. On s'amuse, on s'étonne, des rires de plus en plus francs emplissent la salle de l'Opéra de Montpellier, signant la réussite d'une soirée qui s'achève en outre par une saisissante image finale.

Laurent Vilarem

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