Tim Mead au Festival de Colmar : un feu d'artifice avant l'heure

Xl_ae1i8241 © FIC - Bertrand Schmitt

Bien que majoritairement instrumentale, la programmation du Festival international de Colmar recèle toujours quelques pépites lyriques délectables. Après Stéphane Degout l’an passé, nous retrouvions pour cette édition le contre-ténor Tim Mead pour un rendez-vous en « écho de Venise » autour d’un programme Vivaldi.

Nous ne reviendrons pas sur la beauté des lieux, uniques, dont l’acoustique s’avère exceptionnelle pour une église, entre son architecture surprenante et ses éléments en bois. C’est avec un réel plaisir que nous retrouvions le festival, pour son atmosphère particulièrement conviviale, mais aussi l’endroit où était donné le concert.

À cette occasion, le chanteur accompagnait Julien Chauvin et son Orchestre de la Loge dans une ambiance détendue et bon enfant : le chef et violoniste a tout de suite su donner le ton en indiquant avec humour les changements dans le programme de la soirée. Il indique, avec malice, que Vivaldi aimait modifier ses programmations jusqu’au dernier moment. La soirée est donc dans la tradition du compositeur.

Celle-ci débutait en douceur avec la Sinfonia en sol mineur, RV146, laissant à l’ensemble de musiciens l’ouverture de bal et l’occasion de rappeler tout son talent. L’équilibre des sons, des couleurs, les nuances apprivoisées, les respirations communes... Tout cela fait battre le cœur et couler la vie dans les pages musicales servies au cours de cette soirée. Les interventions de la violoncelliste Hanna Salzenstein imprègnent d’un accent supplémentaire la partition, les dialogues entre les instruments se renforcent, s’animent dans le sens le plus stricte du mot.

Récital Tim Mead, Julien Chauvin et Le Concert de la Loge, Festival de Colmar (2025) © FIC - Bertrand Schmitt
Récital Tim Mead, Julien Chauvin et Le Concert de la Loge, Festival de Colmar (2025) © FIC - Bertrand Schmitt

Ainsi, lors du Concerto pour violon et violoncelle en si bémol majeur, nous assistons à un véritable heurt entre une « armée » de violon face au reste des cordes ; puis, après s’être « combattu », les deux voix se retrouvent dans le calme et l’apaisement, entre violon et violoncelle. Quant à la Folia de la deuxième partie – initialement non prévue –, elle nous transporte dans le talent du compositeur, ses variations multiples, son langage à la fois complexe et simple servi par l’incroyable dextérité des musiciens présents.

Toutefois, si ceux-ci savent particulièrement rayonner au premier plan, ils savent tout aussi briller dans l’accompagnement du contre-ténor. Dès sa première intervention, pour « Cessate, omai cessate », les cordes sont pincées avec une précision chirurgicale, offrant corps et délicatesse aux notes, appuyant le travail du chanteur. Sa diction est particulièrement soignée, les consonnes offrant (comme il se doit généralement) un formidable tremplin aux voyelles, un appui solide et souple. L’émission est pure, le chant demeure ample, la technique parfaitement maîtrisée pour offrir une interprétation personnelle : on ne cesse d’apprécier la manière dont un artiste parvient à s’emparer d’une œuvre, en respecter les notes, et pourtant offrir juste ce qu’il faut de micro-détails afin de la faire entendre sous un angle unique.

Récital Tim Mead, Julien Chauvin et Le Concert de la Loge, Festival de Colmar (2025) © FIC - Bertrand Schmitt
Récital Tim Mead, Julien Chauvin et Le Concert de la Loge, Festival de Colmar (2025) © FIC - Bertrand Schmitt

« Sovente il sole » est un incontournable pour les amoureux du baroque, mais ces derniers ont ici pu l’entendre sans lassitude aucune en ce soir de concert : d’abord pour l’excellence de l’exécution musicale déjà soulignée, de même que pour la connivence entre l’ensemble et le contre-ténor, mais aussi parce que ce dernier a su apporter une lumière qui lui est propre. Quant au « Nisi Dominus », il s’est clos par un « amen » magistral – repris en second bis – après un accomplissement remarquable du reste de l’œuvre, laissant au public savourer une projection lumineuse et une palette interprétative délicate et délicieuse.

Au final, c’est à nouveau un sans-faute pour cette date lyrique au festival international de Colmar. Tout y est réuni pour un moment inoubliable, entre magie des lieux, ambiance générale, celle du concert, artistes réunis, excellence et « plaisir simple » : celui de l’amour de la musique partagé.

Elodie Martinez
(Colmar, le 12 juillet 2025)

Concert "Echo de Venise" au Festival international de Colmar, le 12 juillet.

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