Philippe Jaroussky enflamme Montpellier

Xl_jaroussky © SimonFowler_Erato_WarnerClassics

Au début du mois sortait chez Erato le nouveau disque de Philippe Jaroussky, Ombra mai fu, consacré aux airs d’opéra de Cavalli et accompagné par l’ensemble Artaserse (que nous avons déjà entendu à ses côtés, comme à Menton l’été dernier). Cette sortie est suivie d’une tournée de concerts débutant le 26 mars à Montpellier, dans une salle comble : suite à la demande importante du public, le concert a finalement été donné dans la grande salle du Corum, cette même salle qui accueille habituellement les chanteurs et chanteuses de variété. Malgré cela, l’opéra a tout de même dû refuser du monde ! Un engouement qui montre non seulement la curiosité du public montpellierain, mais aussi l’intérêt que peut encore susciter le baroque aujourd’hui, surtout si admirablement servi.

La soirée est toutefois loin d’être un copier-coller du disque : si en effet, nous retrouvons tout naturellement une grande majorité des titres de l'enregistrement, certains sont absents et nous en découvrons d’autres, toujours de Cavalli. Une belle façon de présenter le disque sans pour autant trop en dévoiler, ni s’en éloigner.
Si le disque s’ouvre par son titre, « Ombra mai fu », celui-ci n’arrive dans la soirée qu’après la Sinfonia d’Ercole qui laisse planer un doute sur l’unité de l’ensemble et de leurs attaques, doute qui s’étiole pour ne laisser place qu’au plaisir de l’écoute. L’équilibre entre les pupitres ne démérite pas de toute la soirée et les premières notes de Philippe Jaroussky sont saisissantes de clarté. La ligne de chant est solide et lumineuse, la projection limpide, et l’interprétation parfaitement maîtrisée, comme par exemple dans « Perfida dove fuggi ? » où le « perfida » est jeté et où l’implication est prolongée dans le « Amor, ti giuro Amor ». La sinfonia d’Eliogabalo qui suit est pleine d’énergie. Et après un courte pause afin de laisser le public applaudir et de réaccorder les instruments, l’ambiance se fait plus douce pour « Erme e solinghe Cime » de La Calisto ainsi que pour « Lucidissima face », tandis que « Che citta » plus loin ferait presque entendre un début jazzy dans les premières notes les plus basses, en pizzicato, rappelant que le baroque n’est finalement pas si éloigné de nous et que toute musique reste atemporelle. Un moment plus léger qui amusera le public avant qu’Erismena ne vienne clôturer cette première partie de soirée.

La seconde s'inscrit dans la droite ligne de la première : Cavalli reste à l’honneur. L’air de Giasone, « Delizie contenti che l’alme beate », permet de faire entendre un beau crescendo, d’une belle intensité, alors que le Lamento di Apollo fait place à une belle profondeur de chant et d’émotions qui ne laisse pas le public indifférent. « La bellaza è un don fugace » viendra la contrebalancer dans une atmosphère plus divertissante, transmettant l’amusement de la scène à la salle, respectant ainsi un bel équilibre – incontetablement un autre des points forts de cette très belle soirée. Elle se clôture avec trois bis et quelques mots du contre-ténor qui espère rappeller la fantaisie et le contraste qui caractérisent la musique baroque. Il enchaîne alors avec « Cieche tenebre », titre présent sur le disque, puis avec un autre air qui, dit-il, signifie « Personne d’autre que moi ne peut être plus heureux » afin de « ne pas rester sur une note si lugubre ». Il dédie au passage celui-ci à Valérie Chevalier, directrice de l’Opéra Orchestre Natinal Montpellier Occitanie, dont c’était alors l’anniversaire. Il souhaite ensuite un autre anniversaire, celui de la percussionniste Michèle Claude, avec « un petit dernier » dans lequel Cupidon se plaint de l’Amour.

Une très belle soirée, terminée en standing ovation, durant laquelle Philippe Jaroussky s’est montré en très grande forme pour rendre hommage à Cavalli. Le disque qu’il vient de sortir, lui aussi excellent, est composé de vingt-quatre titres dont certains enregistrés avec la complicité – complicité que l’on ressent – d’Emőke Baráth et de Marie-Nicole Lemieux. Quant au livret, inclus dans la jaquette-même, il est enrichi non seulement d’un texte de présentation fort intéressant, des paroles en italien, anglais, français et allemand, mais aussi de photos du contre-ténor et d’illustrations diverses. Un plaisir pour les oreilles donc, mais aussi pour les yeux !

La tournée se poursuivra notamment ce soir à l’Opéra Confluence Avignon et le 5 avril au Théâtre des Champs-Elysées.

Elodie Martinez

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