Montserrat Figueras était une infatigable exploratrice de la voix méditerranéenne

Xl_3801-montserrat-figueras-jordi-savall © Alia Vox

Parrallement aux recherches partagées avec son mari Jordi Savall, l’exploration méthodique des propriétés et des possibilités de la voix a conduit  Montserrat Figueras aux confluents de toutes les cultures méditerranéennes. Cette recherche musicologique se doublait d'une dimension féministe car la soprano cherchait à inclure et cerner le rôle de la femme, de l’épouse et de la mère dans la création de ces patrimoines musicaux. Sa quête, elle l'a condensée dans son CD Lux Feminae (chez Alia Vox, le label qu’elle animait avec son mari), véritable anthologie de la condition féminine musicale. Sa passion exigeait un travail d’exhumation aux sources les plus intimes de l’art vocal, au-dela de l'époque médiévale et baroque, similaire à celui que son mari, Jordi Savall, effectuait avec les instruments anciens.

Depuis plus de 25 ans, la soprano repousse l’éloquence et l’emphase habituelle du Bel canto, pour cerner l’authentique, exhumer le vraisemblable de techniques de chant et de répertoires souvent oubliés. “ J’aime le chant qui est lié à une poésie, comme la magie ancestrale de la mélodie au service de la parole ”, insiste-t-elle pour délimiter le champ de ses investigations. Sans qu’il ne soit jamais question de vérité acquise, réfutant en outre toute distinction entre la musique populaire et savante. “ Notre tradition espagnole ne s’est jamais nourrie de ces coupures entre les musiques. Elle reste populaire et frémissante. ” Figueras s’est investie toute sa vie dans cette recherche comme une quête spirituelle.  Jamais la lucidité sur les sources et la réflexion sur les moyens de les restituer n’excluaient le frémissement. 

D’une voix de perle et de cristal, lyrique et retenue, en quête de sang et de nuances, sans oublier une projection constante de sens, la soprano catalane se distinguait par son parti pris de déclamation souvent lente, toujours parfaitement intelligible lui permettant de multiplier les effets de timbres, et de souffle. “ Quand on touche à un répertoire tellement ouvert, on réussit à gagner un registre très large ” reconnait-elle. Dés la première note, la chanteuse va droit à l’évidence, elle privilégie la clarté à l’excès de théâtralisation. Aucun artifice dans ses notes suspendues comme dans leur propre méditation, seulement la volonté de toucher les cœurs, de raconter une histoire, fussent-elles des oracles remontant des débuts des temps, comme ses miraculeux “ Chants de la Sybille ” – à découvrir en urgence mais aussi ses livres-CD à programme conçus avec sa famille ; Mare NostrumChristophe Colomb ou La route de la soie,  où à chaque fois, la chanteuse s’efforce de saisir l’insaisissable.  Par la grâce de sa voix souvent à capella - à peine rehaussée d’une viole - son chant est réduit à l’essentiel ;  le miracle de la mélopée débroussaillant les ombres et les malheurs, entrecoupé de silences, portant la seule espérance possible. On ne reproche jamais à une chanteuse de ne ressembler qu’à elle-même.

“ Il y a encore tellement d’œuvres importantes à exhumer que nous n’avons guère le temps de revenir sur le travail effectué. Nous disait la soprano. D’autres les reprendront pour un autre regard ”. Cette absence de repentis résume la fringale insatiable qui habitait le couple  à la conquête d’un répertoire raffiné de plus de sept siècles, embrassant tout le continent européen :  des ‘Musiques de cour’ les plus exubérantes (Alphonse X Le Sage, Duc de Calabria) aux ‘Airs’ de Fernando Sor aux œuvres de Monteverdi dont leur enregistrement des  ‘Vêpres à la Vierge’ devenu une référence discographique (Alia Vox).

Pour ces révélations comme pour l'immense dimension humaniste dans sa démarche artistique, nous sommes tous redevables à Montserrat Figueras.

Olivier Olgan

| Imprimer

En savoir plus

Commentaires

Loading