Chronique d'album : "Psyché", d'Ambroisine Bré

Xl_psych___ambroisine_br_ © DR

Le 11 février prochain, nous aurons le plaisir de découvrir Psyché, le premier disque solo de la jeune et talentueuse mezzo-soprano Ambroisine Bré. Pour ce premier opus qui paraîtra chez 440Hz, elle s’entoure de la fine fleur des jeunes musiciens français : le pianiste Ismaël Margain, la flûtiste Mathilde Calderini, la harpiste Anaïs Gaudemard, le ténor Julien Dran et le Quatuor Hanson. Sans oublier la participation de Gérard Depardieu !

Véritable surprise pour l’oreille, c’est par une lecture du célèbre comédien français que s’ouvre le bal de l’écoute. Présenté comme une sorte « d’oracle omniscient », il guide Psyché vers sa destinée et « son murmure envoûtant marque subtilement les étapes clés du parcours initiatique de la jeune héroïne ». Le poème La Beauté de Baudelaire amorce ainsi « l’opéra imaginaire autour du récit mythologique de Psyché, selon l’ordre chronologique de la fable », répartie en quatre sections. La première englobe les trois premières pièces (la chanson « Viens une flûte invisible » d’André Caplet, « Psyché » d’Emile Paladilhe et L’Île joyeuse de Debussy) pour évoquer la rencontre fortuite d’Eros et Psyché. La flûte légère de Mathilde Calderini virevolte tandis que la voix de Gérard Depardieu disparaît et que celle d’Ambroisine Bré s’éveille, créant un effet de fondu auditif, comme un voile qui se lèverait sur l’histoire. L’auditeur notera dès ces débuts le caractère varié de l’instrumentation : après la flûte vient le piano d’Ismaël Margain, toujours dans la douceur de l’accompagnement, avant que le piano ne développe la joie de l’île dépeinte par Debussy.

Les « Reflets » de Lili Boulanger et le « Nocturne » de Guillaume Lekeu ouvrent la deuxième section, celle des « prémices mystérieuses de l’amour, l’érotisme de l’attente dans cette nature frémissante où erre Psyché ». Le Quatuor Hanson se fait entendre pour l’occasion, alors que Julien Dran prête sa voix à Enée dans le duo « Nuit d’ivresse et d’extase infinie », extrait des Troyens de Berlioz. Les voix se mêlent tels les corps des amants, et le caractère solaire de la voix du ténor fait écho à celui nocturne de la mezzo-soprano. La magie du moment est totale et sensuelle, portée par les deux chanteurs mais également par l’accompagnement musical travaillé pour l’occasion. À la fois intime et universel, l’air est l’un des passages les plus marquants du disque. Tandis que l’aventure de Psyché se poursuit, avec les disparitions et les retours de son amant, et qu’elle finit par rompre sa promesse en éclairant le visage d’Eros, conduisant ce dernier à partir pour toujours, l’écoute avance elle aussi pour atteindre la troisième section.

Elle s’ouvre avec une Psyché au comble du désespoir et la « Chanson Perpétuelle » de Chausson. La douleur lancinante du personnage transparaît sans mal à travers les nobles pleurs du chant et des cordes, soutenus par un piano qui s’apparente à l’épaule sur laquelle s’épancher. La tristesse profonde se poursuit avec les « Adieux de l’hôtesse arabe » de Bizet, à l’atmosphère bien différente puisque l’acceptation semble émerger de la musique. Ambroisine Bré y fait entendre une ligne de chant particulièrement claire, offrant une belle amplitude, voyageant des graves aux aigues alors que les pensées de l’héroïne semblent courir dans les recoins de son esprit. La résignation s’installe finalement avec la « Chanson triste » de Duparc, avant que l’air de Desdémone (Otello, Rossini), « Assisa a’ pie d’un salice » ne vienne clore cette section. L’instant est alors divin. Dans la douceur de la harpe d’Anaïs Gaudemard, la voix d’Ambroisine Bré déploie ses reflets ambrés et ses couleurs chatoyantes, livrant un moment suspendu.

Enfin, l’ultime section de cet opéra imaginaire regroupe « Psyché » de Manuel de Falla, le sublime « A Chloris » de Reynaldo Hahn et « La Capinera » de Julius Benedict. Ici, l’amour des deux amants est scellé et l’on se délecte de l’extase douce et discrète qui est dépeinte, avant que l’ultime air ne surgisse en point final joyeux. La voix de Gérard Depardieu revient elle aussi nous conter cette fin heureuse, qui trouve son épilogue dans « Nos souvenirs qui chantent » de Poulenc. « Tout est bien qui finit bien ».

Le programme est ainsi efficacement et judicieusement construit. L’auditeur n’a pas de mal à suivre l’intrigue, d’autant plus s’il s’aide du livret dans lequel la mezzo-soprano explique son projet et ses origines. L’accompagnement varié nous sort du traditionnel récital piano/voix sans pour autant nous en priver, et l’œuvre créée ici se nourrit de la diversité des instruments proposés. Chacun apporte alors son talent – indéniable – pour donner vie à cette Psyché incarnée par Ambroisine Bré.

Elodie Martinez

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