Chronique d'album : Johannes Brahms, Lieder & Duette, de Rachel Harnisch, Marina Viotti et Yannick Debus

Xl_brahms © DR

Le mois dernier est paru chez Panclassics le disque Johannes Brahms, Lieder & Duette qui, comme son nom l’indique, regroupe nombre de lieder du compositeur ainsi que divers duette. Jan Schultsz accompagne au piano Rachel Harnisch, Marina Viotti et Yannick Debus, formant un très beau trio de voix qui s’entremêlent parfois pour le plus grand plaisir de l’oreille.

L’un des attraits de ce double CD est d’offrir un large panel des œuvres de Brahms, permettant ainsi d’apprécier à la fois des œuvres de jeunesse, « des compositions vivantes et pleines d’humour », ainsi que « l’autre visage de Brahms, plein d'émotions mélancoliques et sentiments de tristesse ». Détail non négligeable, l’instrument parcouru par les doigts experts de Jan Schultsz est un piano original de l’époque de Brahms, et plus précisément le modèle que le compositeur avait lui-même à la maison. De quoi plonger pleinement dans l’univers de Brahms, teinté d’une atmosphère de salon, un cocon musical douillet. La soprano Rachel Harnisch ouvre le bal (et le fermera aussi) avec belle démonstration de projection, sans pour autant perdre en nuances et apporter un relief au chant. Une série de duos avec Marina Viotti suit rapidement, pour notre grand plaisir, les deux voix se répondant ici distinctement sans dichotomie aucune avant de se rejoindre. Quant au baryton Yannick Debus, il propose les Lieder und Gesänge, op.32 avec un timbre à la fois sombre et solaire qui se déploie dans neufs airs, nous plongeant dans l’histoire et les émotions du texte. On se love donc avec plaisir dans ce premier disque qui, avouons-le tout de même, finit par bercer et fait craindre l’écoute du deuxième opus, anticipant sur une certaine longueur du fait du programme sélectionné – bien que ce dernier ne manque pas d’intérêt et soit malgré tout riche de l’évolution de l’écriture de Brahms.

Toutefois, le second disque se montre globalement plus rythmé, et rompt avec ce qui pourrait s’apparenter à une certaine monotonie rythmique. Les Fünf Duette op.66 ouvre le bal, faisant se rencontrer les voix de Rachel Harnisch et de Marina Viotti qui se mélangent merveilleusement bien, la clarté de la soprano faisant écho à la profondeur de la mezzo-soprano, un peu comme l’ombre est indissociable de la personne ou de l’objet auquel elle est rattachée. Le dernier duo amène une énergie nouvelle, une certaine envolée malicieuse qui rappelle l’oreille au disque. Les lieder reviennent ensuite avec accalmie, permettant d’apprécier toujours les envolées vocales des artistes. Marina Viotti se prête ainsi notamment à l’exercice, et nous emmène dans le premier des Zigeunerlieder, op.103, « He, Zigeuner », dans une profondeur d’âme touchante et ensorcelante, avant que le deuxième laisse entendre davantage encore les graves assurés de la cantatrice, lancés droit au cœur de leur cible. Rachel Harnisch prend la suite dans une série de Lieder afin de clôturer ce deuxième disque entièrement féminin, avec un engagement à toute épreuve et des nuances qui apportent un bel équilibre à l’ensemble, parfois entraînant comme dans « Ständchen », premier lied de l’opus 106. Citons l’accompagnement de Jan Schultsz, parfaitement juste et équilibré dans un prolongement et un appui de la voix ou des voix sans faille.

Panclassics  propose donc un double disque regroupant pas moins de 28 pistes d’un côtés et 30 de l’autres autour de ce registre particulier des Lieder et de Brahm. Un programme particulièrement destiné aux amoureux du compositeur, ou du genre mais dont l’écoute d’une traite, pour les autres, peut s’avérer fastidieuse. On prendra quoiqu’il en soit plaisir, surtout dans ce second cas, à picorer ces airs, même si l’on perd alors l’écoute de l’évolution de la composition, mais pas celle des intentions parfois diverses qui ressortent de ces pages de Brahms servies avec talents.

Elodie Martinez

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