Chronique d'album : Anima Sacra de Jakub Józef Orliński

Xl_orlinski_disque © DR

Vendredi sortait chez Erato le premier album du contre-ténor Jakub Józef Orliński intitulé Anima Sacra et consacré (le terme convient particulièrement ici) aux chants sacrés du XVIIe siècle, incluant de nombreux enregistrements encore inédits. Maxim Emelyanychev et Il Pomo d'Oro participent à la magie du disque qui, disons-le derechef, est une belle réussite.

Selon les mots du chanteur, « on pourrait se figurer qu’un disque de musique sacrée ne s’adresse qu’à ceux qui croient en Dieu, mais c’est faux : si j’ai choisi des œuvres religieuses, c’est que je suis convaincu de pouvoir parler à l’âme avec elles ». En effet, la voix du contre-ténor possède un caractère angélique et une pureté impressionnante dans une ligne de chant claire qui semble destiné à l’interprétation de tels chants. Dès lors, le plaisir de l’écoute et la communication entre deux âmes, celle de l’artiste et celle de l’auditeur, n’a plus à souffrir les barrières d’un genre musical et les chants sacrés touchent leur cible. Si leur caractère sacré y aide peut-être, c’est bel et bien de la voix de Jakub Józef Orliński que naît le miracle, accompagnée par l’ensemble Il Pomo d’Oro sous la baguette de Maxim Emelyanychev. Un formidable allié tout le long du disque pour le contre-ténor, participant au dialogue sacré et portant la voix pour l’amener au plus haut et au plus près de nous.

Parmi les neuf compositeurs réunis dans cet enregistrement, notons les airs de Nicola Fago portés pour la première fois au disque, dont « Alla gente a Dio diletta »qui ouvre l'album et qui sied parfaitement à la voix de Jakub Józef Orliński, suivi du motet « Confitebor tibi, Domine »qui regroupe le plus gros effectif orchestral du programme. Nul crainte de monotonie à avoir donc, les airs s’enchaînant sans jamais apporter le moindre ennui ou l’impression de répétition. Autre œuvre du compositeur ici présente, son  « Tam non splendet sol creatus » dont le texte n’est tiré d’aucun psaume de la bible. « Il s’agirait plutôt d’une sorte de cantate sacrée en latin, d’un hymne à la Nativité de Jésus » d’après le livret, et il est vrai que l’on entend progressivement se dessiner un chant aux accents de Noël après le récitatif. Une belle berceuse qui devrait apaiser l’âme de tout un chacun, puisque l’âme reste au cœur de ce projet.

Seuls trois enregistrements ne sont pas ici des premières mondiales : « Alma redemptoris Mater » de Heinichen, « Smanie di dolci affetti… S’una sol lagrima » extrait de Gesu al Calvario de Jan Dismas Zelenka, et « Mea tormenta, properate! » extrait du Sanctus Petrus et Sancta Maria Magdalena de Johann Adolf Hasse. Dans le premier, s’inspirant de la Passion du Christ et écrit pour le castrat Niccolo Pozzi, « Jésus ouvre son cœur et nous livre ses doutes » durant plus de dix minutes. Quant au second, difficile de ne pas se laisser emporter dans la première partie par la fougue de l’orchestre qui accompagne Saint Pierre, ici sous les traits de Jakub Józef Orliński. C’est d’ailleurs par un air particulièrement joyeux, au caractère « giocoso » que se clôt le disque : « Domine Fili unigenite » tiré de la Messa a 5 voci in C major de Francesco Durante. Une fin pleine d’allégresse et de formidable énergie marquant définitivement la volonté de présenter un maximum de faces des chants sacrés de la première moitié du XVIIIe siècle.

Le livret qui accompagne le disque est une belle source d’informations qui, outre quelques photos et un mot de l’interprète expliquant ses choix, donne à lire un texte de Yannis François présentant plus ou moins brièvement les différentes œuvres choisies, rendant l’écoute d’autant plus éclairée et agréable. Un très beau disque qui trouvera écho chez l’ensemble des auditeurs, et pas uniquement chez les amateurs de musique religieuse.

Elodie Martinez

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