Chronique d’album : Alceste par Christophe Rousset et Les Talens Lyriques

Xl_alceste © DR

Vendredi dernier sortait chez Aparté un nouvel enregistrement de la tragédie en musique de Lully, Alceste, sous la direction de Christophe Rousset. Accompagné par son ensemble Les Talens Lyriques, le Chœur de Chambre de Namur et les solistes sur lesquels nous reviendrons plus loin, il nous livre un coffret de deux albums (de 80 et 70 minutes) qui s’inscrit dans un projet plus global poursuivi depuis plusieurs années autour de l’exploration de Lully.

Ainsi que le rappelle le livret (et plus précisément la présentation signée Jean Duron), « une véritable cabale se leva contre Alceste » dès sa création, « réunissant, bien au-delà de la position de Racine qui visait plutôt Quinault, tous ceux qui contestaient le privilège d’opéra obtenu par Lully ». La controverse n’empêcha cependant en rien la naissance de cette œuvre à la Cour et les répétitions débutèrent dès l’automne 1673, convaincant chaque auditeur. Un engouement qui ne se démentit point lorsque la pièce fut à nouveau donnée à l’ouverture des Divertissements de Versailles de l’été 1674. « Ce succès d’Alceste jadis et l’intérêt que l’œuvre suscite encore aujourd’hui doit beaucoup à la force du livret, à la beauté des vers et de la musique », mais à la construction musicale alors nouvelle qui sollicite sans cesse l’oreille par des choix recherchés qui fonctionnent aujourd’hui encore.

Christophe Rousset poursuit donc son exploration de l’univers de Lully avec son ensemble des Talens Lyriques qui s’est imposé comme l’un des meilleurs spécialistes du répertoire baroque et qui occupe une place désormais incontournable dans le paysage musical, notamment grâce à son désir d’exhumer certaines œuvres injustement tombées dans l’oubli. En effet, outre les enregistrements de Jean-Claude Malgoire datant de 1975 et 1992, Alceste reste l’un de ces opéras peu gravés. L’ancienneté du dernier album à faire date suffit à justifier celui d’aujourd’hui, d’autant qu’il est réalisé avec brio.  

Le chef met ici tout son talen(t/s) pour servir Alceste, tant dans sa musicalité que dans sa théâtralité, donnant les accents tragiques du livret à sa direction. L’équilibre des sons est des plus harmonieux, les ornements sont présents sans jamais prendre une ampleur trop importante qui rendrait l’œuvre globale indigeste, les contrastes si importants ici sont mis en lumière par un savant jeu de clair-obscur parfaitement maîtrisé tant par l’ensemble que par les solistes présents dans cet enregistrement.

Qu’il s’agisse de Judith van Wanroij dans le rôle-titre et celui de la Gloire, Edwin Crossley-Mercer (Alcide), Emiliano Gonzalez Toro (Admète), Ambroisine Bré (Céphise, Proserpine et les Nymphes des Tuileries), Douglas Williams (Lycomède et Caron), Etienne Bazola (Cléante, Straton, Pluton et Eole), Bénédicte Tauran (Thétis, Diane, Nympe de la Marne), Lucia Martin Carton ou encore Enguerrand de Hys, tous sans exception laisse entendre une excellente prononciation, évidemment déterminante pour tout enregistrement audio. Les nuances sont également présentes, les lignes de chant sont d’une grande clarté et chaque personnage trouve naissance dans la voix qui l’incarne.

Enfin, l’objet en lui-même est un coffret sous forme de livre de la taille d’un album, symbolisant Alceste par deux pièces maîtresses d’un échiquier. Quelques rares illustrations viennent ponctuer le livret ainsi que le texte introductif fort intéressant signé Jean Duron qui retrace l’histoire de l’œuvre. On regrette cependant que Christophe Rousset n’ait pas participé, même brièvement, à la rédaction d’un texte explicatif.

Une autre belle idée de cadeau pour tout amoureux du baroque, mais les adeptes pourront également entendre cette version d’Alceste à l’Opéra Royal de Versailles dimanche 10 décembre.

Elodie Martinez

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