Un pour tous et tous pour Jérôme Deschamps !

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  Pour son ultime mise en scène en tant que directeur de l’Opéra Comique, Jérôme Deschamps a choisi de remettre en lumière une opérette de 1880 au charme ravageur : Les Mousquetaires au couvent. Digne héritier de Jacques Offenbach (les jeux de mots en moins), Louis Varney signe ici une œuvre irrévérencieuse qui moque militaires et religieux, et tourne en dérision les codes mêmes de l’opéra. Mais loin d’être purement parodique, la partition réserve à l’auditeur de beaux ensembles vocaux et des airs entraînants habilement troussés, que Laurent Campellone, ici à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Toulon, s’amuse à diriger avec une énergie communicative. Soulignant toutes les couleurs de cette musique efficace et contrastée (qui passe avec un naturel surprenant de la danse villageoise à la prière d’église), le chef insuffle tant à la fosse qu’au plateau une dynamique à la fois réjouissante et précise.

     Et les chanteurs semblent prendre plaisir à incarner ces personnages hauts en couleurs. La distribution est solidement bâtie autour de nos deux vaillants mousquetaires incarnés par Marc Canturri (Brissac) et Sébastien Guèze (Gontran). Voix agiles et personnalités idoines, les deux garçons sont parfaitement complémentaires, le timbre grave et profond du premier compensant les aigus - parfois un peu poussifs - du second. Autres rôles de caractère particulièrement bien distribués, ceux du truculent Abbé Bridaine et de la piquante Simone. Franck Leguérinel et Anne Catherine Gillet sont tous deux dotés d’un même irrésistible tempérament comique et d’une projection vocale à toute épreuve. La soprano belge emporte d’ailleurs systématiquement les faveurs du public grâce à ses interventions aussi époustouflantes sur le plan vocal que scénique.  Mais les autres rôles féminins ne sont pas en reste, car les deux pensionnaires du fameux couvent ont les voix de leurs personnages. La délicate Anne-Marine Suire (issue de l’Académie de l’Opéra Comique) compense une projection limitée par une musicalité et une légèreté charmantes dans ce répertoire, tandis que la délurée Louise interprétée par Antoinette Dennefeld s’impose grâce à un timbre de mezzo éclatant. Les mères supérieures sont interprétées par deux chanteuses confirmées dont le talent comique n’est plus à prouver : Nicole Monestier et Doris Lamprecht forment un duo hilarant. Tous en tout cas gratifient le texte d’une diction parfaite, autant dans les airs que dans les scènes parlées.

     Mais la vraie star de cette soirée reste sans conteste le directeur des lieux dont les quelques interventions rappellent immanquablement les Deschiens. Prenant – c’est peu de le dire - quelques libertés  avec le livret, Jérôme Deschamps prouve une fois de plus qu’il ne se prend pas au sérieux et apparaît en un Gouverneur aussi idiot que fat, aux accents rappelant évidemment le comédien François Morel. Sa mise en scène porte les mêmes caractéristiques et la même esthétique « cartoonesque » que son Maarouf présenté salle Favart il y a deux ans : costumes caricaturaux, couleurs criardes, décors stylisés mais foisonnant de détails et anachronismes délirants, le tout agrémenté de quelques gags visuels de pure farce, pas toujours très subtils mais toujours drôles. Le goût pour l’irrévérence et la fantaisie du metteur en scène font mouche et l’on salue, entre rire et larmes, le dernier tour de piste de l’Auguste patron de la maison.

Albina Belabiod

Les Mousquetaires au couvent  de Louis Varney, jusqu’au 23 juin à l’Opéra Comique

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