Pelléas et Mélisande de Debussy à l’Opéra-Bastille

Xl_pelleasetmelisande © DR

Cent-dix ans après sa création, Pelléas et Mélisande n’est plus une œuvre révolutionnaire. Pourtant, c’est toujours un opéra un peu à part, pas vraiment lyrique, assez désincarné, sublime orchestralement mais en fait, à quelques exceptions près, assez anti-vocal.

Sa reprise à l’Opéra-Bastille réunit tous ce qui peut faire une réussite : d’abord la mise en scène de Robert Wilson, dans son maniérisme exacerbé (parti pris de lenteur extrême, volonté d’absolu, non réalisme, gestes étranges qui semblent obéir à une sémantique de sémaphore) correspond au fond assez bien à l’œuvre, à ce maniérisme qui baigne le texte de Maeterlinck et, souvent, la musique flottante de Debussy.

La distribution est en tous points excellente, du Pelléas stylé de Stéphane Degout à la Mélisande toute en fraicheur de la jeune russe Elena Tsallagova, pur produit de l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris, qui apporte un peu de lumière à cet univers étouffant. En revanche Anne Sofie von Otter n’impose guère sa Geneviève un peu placide. Mais le Arkel de Franz Josef Selig, sombre mais jamais lugubre, avec au contraire une vraie humanité qui s’inscrit dans le grain de sa voix noble est un des atouts majeurs de cette représentation, avec le Golaud torturé, douloureux, ardent, superlatif de Vincent Le Texier, grande voix et interprétation toute en tension, magnifique.

Et puis il y a l’orchestre, le merveilleux Orchestre de l’Opéra de Paris, ses cordes aux reflets dorés, ses bois splendidement détaillés (le hautbois solo, le basson solo, les clarinettes, les flûtes), toute cette moire sonore qui, sous la direction (sans baguette) de Philippe Jordan, prend des couleurs wagnériennes ambrées, loin des fameuses transparences debussystes traditionnelles. Mais justement, dans cette savoureuse gourmandise sonore, il donne à l’œuvre la vérité de ce qui, avec le recul, demeure ce qu’elle a de meilleur, la richesse et la beauté fascinante d’une orchestration qui fait oublier une prosodie vocale un peu fade.

Alain Duault

Pelléas et Mélisande à l'Opéra Bastille
jusqu'au 16 mars 2012

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