Casanova Variations, un film illusoire

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L’affiche est alléchante : John Malkovich d’une part en vieux Casanova, une pléiade de chanteurs et chanteuses de talent d’autre part, de l’exquise Miah Persson à Florian Boesch en passant par Anna Prohaska, Kate Lindsey, Barbara Hanigan, Topi Lehtipuu ou… Jonas Kaufmann, pour interpréter quelques pages d’opéras de Mozart tirés des Noces de Figaro, de Cosi fan tutte ou de Don Giovanni… Ajoutons-y quelques beaux décors (dont le Théâtre Sao Carlos de Lisbonne), de somptueux costumes mis en valeur par des lumières travaillées – mais tout cela pour rien ! Car le film n’a aucune colonne vertébrale, pas de véritable récit ni de message à transmettre pas plus que de figure à éclairer : le péché originel de ces Casanova Variations qui s’étirent sur quelque deux heures, c’est la vacuité du scénario. On n’en sait pas plus à la fin sur Casanova, sur le ressort de ses fameuses Mémoires, s’il a ou non rencontré Mozart, sur les liens réels ou supposés entre tels ou telles, sur la personnalité de cette Elisa von der Recke, poétesse et auteure d’un livre sur Cagliostro, censée là avoir été il y a bien longtemps une jeune fille séduite par ce Casanova qui a oublié ce méfait d’un soir (personnage par ailleurs fort joliment incarnée par la superbe Veronica Ferres)…

En fait, on ne comprend pas vers où va ce film, pourquoi il est fait et à qui il s’adresse. Un peu de « théâtre dans le théâtre » offre au début une première perspective, une esquisse de réflexion sur l’âge en offre une deuxième, une énième « variation » sur les Liaisons dangereuses en propose une troisième, et tout continue ainsi comme si rien ne commençait vraiment, comme si le réel n’était qu’un perpétuel jeu d’illusions, de miroirs infiniment renvoyés les uns aux autres. Les pages des opéras de Mozart sont certes bien chantées (même si l’on en change les paroles parfois pour en faire les illustrations prolongeant la scène ou la situation qui précède) et ce (facile) « quizz » mozartien peut amuser quelques mélomanes et leur permettre de passer le temps en attendant la scène suivante – mais tout cela est un peu vain. Ajoutons qu’il y a quelque escroquerie à annoncer à grand renfort de tambours la présence de Jonas Kaufmann pour une seule scène, tournée à la paresseuse, dans laquelle il se bat en duel sans conviction avec John Malkovich, avant de chanter le beau trio Soave sia il vento de Cosi fan tutte… dans lequel notre cher ténor interprète la partie de Don Alfonso, dévolue à un baryton-basse ! Un film chic donc, où rien ne se passe vraiment, qu’on feuillette comme un bel album sur papier glacé, qui caresse les oreilles de quelques beaux airs, qui s’étire un peu comme une fin de week-end, qui miroite sans briller – et dont il ne reste que le souvenir de belles étoffes brodées… Le réalisateur, Michael Sturminger, est sans aucun doute un fin mélomane et un amoureux de l’opéra (ce qu’accrédite le fait qu’il ait déjà tourné des films sur Cecilia Bartoli ou Maria Malibran) mais, avec ces Casanova variations, il n’apporte rien, ni sur sa passion, l’opéra, ni sur son sujet, Casanova.

Alain Duault

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