Portrait - Franz Welser-Möst dirige le Concert du Nouvel An de Vienne

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À la fois directeur musical de l’Opéra d’État de Vienne et chef invité (régulièrement) de l’Orchestre Philharmonique de Vienne, l’Autrichien Franz Welser-Möst dirige cette année le Concert du Nouvel An de Vienne. Portrait.

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Pour nombre d’Autrichiens, le Concert du Nouvel An du Philharmonique de Vienne qui interprète chaque année les valses, polkas et marches de la famille Strauss est une fierté nationale. Au cours des 12 dernières années, Franz Welzer-Möst a endossé le rôle de directeur musical du Cleveland Orchestra. Il occupe le même poste à l’Opéra d’Etat de Vienne, la prestigieuse formation musicale dont les membres composent l’élite du Philharmonique de Vienne.
Cette année, le chef d’orchestre autrichien a été invité à revenir diriger le Concert du Nouvel An, pour à nouveau célébrer les valses de Strauss. Et Welser-Möst revendique ici certaines connexions familiales. « Vous savez, mon arrière, arrière, arrière-grand-mère appartenait à une famille nommée Dommayer » (le Café Dommayer, dans l’Aufhofstrasse de Vienne, est toujours ouvert aujourd’hui). « C’était le lieu où Johann Strauss a donné ses première représentations publiques (le 15 octobre 1844)... il ne s’agit pas d’un lien direct, mais j’aime l’idée qu’il existe quelques connexions entre ma famille et Strauss ».
Pour le chef Welser-Möst, il y a quelque-chose d’exceptionnel à diriger dans la Goldener Saal, au Musikverein, l’établissement d’élection du Philharmonique de Vienne. « C’est une chaleur... il y a une chaleur très spéciale dans cette salle. Je n’oublierai jamais la première fois, en 2003, quand je suis venu ici avec mon autre orchestre et que l’un de nos directeurs m’a dit "Nous devrions mettre cette atmosphère en bouteille et la rapporter chez nous". C’est le plus confortable des coussins, c’est comme... du cachemire ».

En novembre dernier, la représentation du Cleveland Orchestra à Carnegie Hall proposait un programme ambitieux : Beethoven et Scriabine, avec « Chute d’Etoiles », une nouvelle œuvre du compositeur et chef Matthias Pintscher. Welser-Möst se souvient : « le programme semblait formidable sur le papier – et parfois, quand vous l’entendez, ça semble moins formidable ». Il poursuit : « mais parfois c’est l’inverse et tout a commencé avec Pintscher ». L’œuvre, un concerto de 20 minutes pour deux trompettes, un grand orchestre et des percussions, était une première à New York.
« Ce fut un long échange avec Carnegie Hall. Je leur ai dit : "Je ne veux pas interpréter tout ce qui se donne d’habitude. La Symphonie n°4 de Beethoven est trop souvent négligée. Nous avons des cordes absolument uniques, elles sont de plus en plus reconnues. Un morceau comme la Grosse Fugue (entendue dans une transcription de Hans von Bülow) sonne telle qu’elle le doit – une grande déclaration philosophique ». Le programme s'achevait avec « Le Poème de l'extase », écrit pour un énorme orchestre par le compositeur russe Alexandre Scriabine. « Carnegie Hall estimait que nous avions besoin de voir les choses en grand et cet orchestre est effectivement colossal, avec énormément de couleurs. Et puis j’ai un faible pour Scriabine ».

À l’inverse, la programmation du Concert du Nouvel An représente un défi tout différent. Le chef s’installe avec Clemens Hellsberg, le directeur de l’orchestre, pour choisir le programme de l’année. Les quatre compositeurs de la famille Strauss (Johann Sr., Johann II, Josef et Eduard) ont écrit plus de 2000 morceaux de musique orchestrale.
Selon Welser-Möst, « Clemens a une énorme connaissance de cette musique. J’explore des morceaux et des enregistrements dont je pense qu’ils pourraient être amusants d’interpréter. Et de toute façon, je ne suis pas quelqu’un qui apprécie de réinterpréter encore et encore les mêmes morceaux ». Le rappel ne change pas : la valse du Danube Bleu et la Marche de Radetzky concluent l’événement. Mais, selon Welser-Möst, « nous avons cette fois – je ne suis pas sûr à 100% du nombre exact -, nous avons quelque-chose comme 11 morceaux que le Philharmonique de Vienne n’a jamais joué. C’est incroyable quand vous découvrez les génies qu’étaient Johann et Josef Strauss ».
Quant à la direction du Philharmonique de Vienne, Welser-Möst considère « que c’est toujours délicat. À l’Opéra d’Etat de Vienne, je suis leur patron. Mais, et j’y mets toujours un point d’honneur, quand je vais au Musikverein, quand j’ai une répétition pour l’un de leurs concerts, je leur fait toujours comprendre que j’apprécie être leur invité. C’est leur fierté ».

Et le chef attribue le son unique du Philharmonique à « l’autre emploi » de ses membres, qui jouent dans la fosse de l’Opéra d’Etat de Vienne. « C’est un orchestre qui sait comment on chante. L’opéra est leur travail quotidien. Il y a longtemps avec Elizabeth Schwarkopf, ou aujourd’hui avec Nina Stemme, les plus grands chanteurs apportent quelque-chose qui incite ces grands instrumentistes à mieux écouter. Avec les grands chanteurs, ils savent comment faire respirer la musique d’un côté et d’un autre côté, entretenir le "cachemire" de ce lieu. La symbiose fait de l’Orchestre Philharmonique de Vienne ce qu’il est réellement. Un autre plus : leur gestion interne démocratique. Ils n’ont pas seulement une certaine fierté, ils ont aussi une certaine compréhension du sens de la responsabilité ».

Supplément publié dans l’édition 28 décembre 2012 de l’International Herald Tribune. Texte de Joshua Jampol et Paul Pelkonen.

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