Cavalleria Rusticana et I Pagliacci à l'Opéra Grand Avignon

Xl_14s060-1034 © Cédric Delestrade

Gros succès public, à l'Opéra Grand Avignon, pour ce traditionnel doublé Cavalleria Rusticana / I Pagliacci, dans une production de Jean-Claude Auvray, qui reprend les grandes lignes de son spectacle créé aux Chorégies d'Orange, à l'été 2007. Nous sommes d'abord dans l'Italie des films de De Santis ou Rosi pour Cavalleria (avec, en arrière plan, la belle cité sicilienne d'Enna, accrochée à flanc de montagne, tandis qu'un immense crucifix occupe le devant de la scène...), puis dans celle de Fellini ou Pasolini pour Pagliacci (le terrain vague d'une banlieue romaine tristounette et en pleine construction, où la roulotte en revanche colorée de Canio vient faire halte le temps d'un spectacle...). Les deux propositions scéniques restent ainsi dans le droit fil d'une certaine tradition, et sert admirablement tant le livret que la musique. L'on pourra s'étonner, cela dit, qu'Auvray fasse terminer le second ouvrage par le suicide de Canio...?

Dans le double rôle de Turridu et de Canio, le ténor français Jean-Pierre Furlan semble avoir encore gagné en ampleur et en puissance, mais à quel prix ! Le timbre a perdu un peu plus de lumière qu'auparavant, et l'aigu est émis avec force nasalité, ce qui se fait constamment au détriment de l'émotion. L'acteur demeure quant à lui toujours aussi engagé, et sa manière de se jeter corps et âme finit par emporter l'adhésion.

Débutant dans le rôle de Santuzza, la mezzo géorgienne Nino Surguladze fait valoir une richesse dans le médium, une fulgurance dans l'aigu, et un registre grave nourri, qui font forte impression. Quant à l'actrice, elle brûle les planches, tout en s'affirmant à la fois digne et émouvante quand l'action le réclame. Elle est la révélation de la soirée ! Dans le personnage d'Alfio, le baryton coréen Seng-Hyun Ko impose son timbre mordant, ses moyens imposants, ainsi qu'une grande facilité expressive, qui lui valent un triomphe personnel aux moment des saluts. Virginie Verrez est parfaite en Lola tandis que Svetlana Lifar est une Maman Lucia à la voix saine, loin des chanteuses en fin de carrière auxquelles est généralement dévolue cette partie.

Dans Pagliacci, la jeune soprano roumaine Brigitta Kele campe une Nedda charmante et sûre d'elle, en sonnant, vocalement parlant, impulsive et sensuelle. Le magnifique baryton argentin Armando Noguera, de son côté, possède le timbre séducteur et l'accent de velours qui font depuis toujours merveille dans Silvio. Leur duo a constitué un des moments forts de la représentation. On retrouve avec plaisir Seng-Hyoun Ko idéalement menaçant en Tonio, aux côtés du Beppe à la voix claire et au chant raffiné de Leonardo Cortellazzi, que nous avions déjà positivement remarqué dernièrement à Clermont-Ferrand.

Toujours aussi formidablement préparés par Aurore Marchand, les chœurs maisons ont reçu leur juste part d'ovations, l'Orchestre Régional Avignon-Provence se montrant sous son meilleur profil sous la direction de l'excellent chef italien Luciano Acocella – en remplacement d'Alain Guingal initialement annoncé - qui parvient à faire ressortir avec maestria des détails insoupçonnés de l'orchestration.

Emmanuel Andrieu

Cavalleria Rusticana / I Pagliacci à l'Opéra Grand Avignon

Crédit photographique © Cédric Delestrade

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