Armida au Rossini Opera Festival

Xl_armida © Amati Bracciardi

Parmi les trois nouvelles productions de la XXXVème édition du Rossini Opera Festival figurait un titre qui n'avait pas été repris depuis 1993 : Armida. La mise en scène avait été confiée à l'époque à Luca Ronconi, et le Festival a de nouveau fait appel à lui. Le metteur en scène italien offre à notre regard une vision simple et un peu enfantine de l'histoire qui se rapproche du conte de fée. Les Paladins – c'est à dire les chœurs et les quatre ténors - sont habillés comme des puppi, ces fameuses marionnettes siciliennes à l'armure d'étain et aux casques surmontés de plumes rouges, dont de nombreuses répliques, placées dans de grandes boîtes, viennent dédoubler les personnages. Armida est elle une sorte d'oiseau exotique qui change de couleur de plumage aux différents stades de l'action, rouge à la fin du spectacle, au moment pour elle de s'envoler et de quitter le désastre perpétré sur terre. Son acolyte machiavélique Idraote est lui grimé en chauve-souris, de même que son armée funèbre. Le spectacle se pose ainsi comme un livre d'images merveilleuses ou fantastiques, mais Ronconi a quelque peu négligé sa direction d'acteurs – et surtout oublié de proposer une vraie pensée dramaturgique - pour s'attacher à la seule dimension visuelle et esthétique. Quant au ballet, chorégraphié par Michele Abbondanza (exécuté dans son intégralité), il a en revanche constitué un authentique événement dans le déroulement du spectacle (avec des scènes de bataille et autres duels chevaleresques particulièrement réussis).

Dans le rôle d'Armida, illustré par la Colbran et ou si peu, Callas exceptée (même si on peut également citer, plus proche de nous, Renée Fleming à Pesaro, en 1993, ou June Anderson à Aix-en-Provence, en 1988), ont su se montrer à la hauteur des difficultés, la soprano espagnole Carmen Romeu se tire avec les honneurs de la vocalità proprement inhumaine du rôle. Sa voix sombre et large, percutante dans l'aigu et autoritaire dans l'accent, certes un peu sage dans l'exécution des vocalises, lui permettent de convaincre dans le rôle et de rendre justice au redoutable air du III « Amor al dolce impero ».

On a résolu le problème posé par la distribution des six rôles de ténors en confiant un double emploi à deux d'entre eux. Le russe Dimitri Korchak (Gernando & Carlo) se tire de sa tâche avec plus de vaillance et de générosité que l'américain Randall Bills (Goffredo & Ubaldo), qui manque d'ampleur vocale et de projection, faisant un peu pâle figure auprès de ses trois autres confères. On aurait peut-être ainsi dû confier le rôle au ténor grec Vassilis Kavayas (Eustazio), dont la voix passe plus aisément la masse orchestrale. Double rôle également pour la basse napolitaine Carlo Lepore (Idraote & Astarotte) qui confère beaucoup de présence (maléfique) – avec des moyens imposants - à des personnages somme toute secondaires. Quant à Antonino Siragusa, il est le bien triomphateur de la soirée. Le ténor sicilien suscite un légitime enthousiasme, et allie la perfection de l'articulation à une glorieuse vocalisation, soutenue par des aigus aussi justes qu'éclatants (superbes contre- !).

Placé à la tête des Chœurs et de l'Orchestre du Teatro comunale di Bologna, Carlo Rizzi magnifie la qualité musicale de la partition - donnée ce soir dans son intégralité - en soulignant à la fois la finesse et la vitalité d'une écriture tour à tour légère ou farouche, et en faisant ressortir certains soli instrumentaux avec beaucoup de poésie.

Emmanuel Andrieu

Armida au Festival Rossini de Pesaro, jusqu'au 19 août 2014

Crédit photographique © Amati Bracciardi

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