Ariadne auf Naxos à l'Opéra de Toulon

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Etrénnée in loco il y a tout juste dix ans, la production d'Ariadne auf Naxos signée par Mireille Larroche a fait un retour remarqué sur la scène varoise. On y retrouve la belle scénographie de Nicolas de Lajarte inspirée de la tout proche Villa Noailles à Hyères, avec son architecture Bauhaus des années vingt. Si le Prologue nous laisse un peu sur notre faim, la directrice de la Péniche-Opéra multiplie les bonnes idées dans l'acte proprement dit, comme ces invités placés côté cour qui nous donnent l'impression que nous sommes nous aussi, les spectateurs, des personnes priviligiées qui assistons à une représentation privée. Pour les numéros de comédie, pleins de vivacité, elle s'est inspirée avec beaucoup de bonheur – et le concours de sa costumière Danièle Barraud – des ballets russes et de l'univers pictural de Mondrian. Nous mettrons enfin à son crédit une apothéose finale finement conduite, par paliers, jusqu'au vrai feu d'artifices, discrètement tiré sur les derniers accords.

La distribution vocale réunie à Toulon par Claude-Henri Bonnet, directeur de la maison provençale, est de bonne facture. En compositeur, Christina Carvin séduit à la fois par son timbre chaud et sa facilité dans l'aigu, mais aussi par l'intensité de son interprétation, la chanteuse allemande traduisant tous les subtils changements d'états d'âme de son personnage. Jennifer Check possède l'autorité et la puissance requise par le rôle d'Ariadne - en plus d'un timbre aux chatoiements satinés -, mais il lui reste à acquérir un sens plus profond de la tragédie pour véritablement traduire toutes les facettes d'une héroïne incarnée encore prosaïquement. Avec un jeu plat et un timbre sans grande séduction, le heldentenor néerlandais Kor-Jan Dusseljee n'a en revanche guère comme mérite que de se tirer sans déshonneur de la tessiture impossible de Bacchus.

La soprano russe Julia Novikova, de son côté, allie fraîcheur, aisance et naturel, sans jamais donner l'impression d'accomplir un numéro ou une prouesse. Elle apporte à sa longue aria une effervescence, une virtuosité et un esprit qui forcent l'admiration et en font la révélation de la soirée. Le reste du plateau est irréprochable, avec une mention pour le très jeune et déjà si talentueux ténor français Cyrille Dubois (Maître à danser/Brighella) qui exalte tant par son chant généreux que par son jeu virevoltant. Il ne fait que confirmer tous les espoirs que nous avons placé en lui depuis sa magnifique prestation du rôle de Gérald dans Lakmé à Saint-Etienne. Nous n'oublierons pas non plus de citer les trois nymphes (Léonie Renaud, Charlotte Labaki et Marion Grange) dont le dernier trio, alla Schubert, en contrepoint du grand duo, restera comme un des moments forts de la soirée.

A pupitre, le chef israélien Rani Calderon – qui semble visiblement aimer ce répertoire – donne à l'ensemble une belle unité. Les quelques échappées purement lyriques du Prologue y sont très intégrées à une action qui ne relâche jamais son rythme, et les débordements du duo n'obsurcissent jamais sa vision objective des choses. Il réussit surtout à donner à un Orchestre maison, pourtant peu rompu à la musique germanique, un poli très straussien.

C'est un accueil très chaleureux qui a été réservé à l'ensemble de l'équipe artistique aux moments des saluts, par un public certes clairsemé mais enthousiaste.

Emmanuel Andrieu

Ariadne auf Naxos à l'Opéra de Toulon

Crédit photographique © Frédéric Stéphan

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