Cosi fan tutte à l'Opéra de Toulon

Xl_cosi1 © Frédéric Stéphan

Transfuge de l'Opéra de Tours où elle a été étrennée la saison dernière, cette production de Cosi fan tutte - confiée à l'homme de théâtre Gilles Bouillon - a beaucoup plu à un public toulonnais venu en masse applaudir le chef d'œuvre de Wolgang Amadeus Mozart. Il transpose l'intrique – avec l'aide de son dramaturge Bernard Pico – dans une villa défraîchie du bord du Lac de Côme au milieu des années soixante, en lieu et place de la Naples du XVIIIe siècle voulue par le livret de Da Ponte. Mais l'essentiel de la comédie sentimentale du génie de Salzbourg répond à l'appel, à savoir les chassés-croisés amoureux et le triomphe de la raison, symbolisé par le cynique Don Alfonso. Saluons également la direction d'acteurs bouillonnante (sans jeu de mots) du tourangeau, avec une excellente caractérisation des personnages qui évoluent avec un grand naturel.  

Claude-Henri Bonnet a fait le pari d'une distribution de jeunes chanteurs (y compris pour les rôles de Despina et de Don Alfonso). La soprano française Marie-Adeline Henry se révèle brillante dans le personnage de Fiodiligi : la voix est puissante, bien en place, et l'aplomb dramatique de chaque réplique convainc. Certes, il faut en payer le prix, et certains changements de registre manquent de moelleux tandis que certains aigus s'avèrent un peu durs. Cela posé, son grand air du II « Per pietà » a constitué le zénith vocal de la représentation.
Marie Gautrot lui est à peine inférieure, avec un chant concentré et instrumental, ainsi qu'une sensualité bienvenue dans le deuxième acte. Déjà pétillante Zerlina in loco l'an passé, Anna Kasyan est une Despina au timbre inhabituellement corsé et d'une grande autorité vocale et scénique (elle campe notamment un impayable notaire).

Côté masculin, la palme revient à l'excellent baryton Alexandre Duhamel, Guglielmo délicat et racé, à la voix pleine d'autorité autant que de musicalité. On ne se plaindra pas, dès lors, que l'on ait substitué l'air du I « Non siate ritrosi » par le plus conséquent air alternatif « Rivolgete a lui lo sguardo ». Après son Grand-Prêtre Dogon (Samson et Dalila) à Bordeaux il y a quelques semaines, nous languissons de l'entendre dans le rôle de Paolo Albiani (Simon Boccanegra), également dans la cité girondine, en janvier prochain.
Quant au Ferrando du bien nommé ténor italo-urugayen Leonardo Ferrando, il trouve dans le rôle un emploi idéalement adapté à ses possibilités : le chant est clair, riche en contrastes et en  nuances. Il délivre le célèbre air « Un aurora amorosa » avec une indéniable élégance. Enfin, Riccardo Novaro superbe Achilla ici-même en avril dernier, incarne un Don Alfonso narquois dont l'aisance et la place vocale sont secondées par un timbre particulièrement mordant.

Directeur musical de l'Orchestre de Bretagne – et Lauréat du 50ème Concours International des Jeunes Chefs d'orchestre de Besançon en 2007 -, Darrel Ang, chef originaire de Singapour, montre d'excellentes dispositions mozartiennes (tout juste entachées de quelques décalages), combinant avec art de subtiles gradations entre tempi vifs et tempi lents, tandis que l'Orchestre de l'Opéra de Toulon se montre sous son meilleur jour.

Emmanuel Andrieu

Cosi fan tutte de Wolgang Amadeus Mozart à l'Opéra de Toulon, le 27 novembre 2015

Crédit photographique © Frédéric Stéphan

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