Une Périchole magistralement délurée à la MC2 de Grenoble

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À partir du 19 décembre, La Périchole d’Offenbach (dont on fête le bicentenaire cette année) s’invitera à l’Opéra royal de Versailles pour les Fêtes. La maison versaillaise reprendra la production donnée à Bordeaux en 2018 avec l'aide du Palazzetto Bru Zane, dans une distribution légèrement remaniée. Toutefois, avant d’atteindre les royales fastes de Versailles, cette Périchole a fait un petit détour par la MC2 de Grenoble – maison chère à Marc Minkowski et à ses Musiciens du Louvre – pour un petit tour de piste en version semi-scénique, comme une Générale de haut vol pour le plus grand plaisir du public grenoblois qui a ainsi pu profiter, avant Versailles et sa cour, de cette petite pépite festive, savoureuse comme un champagne à l’apéritif.

Certes, il n'y a là point de décor, mais cela paraît presque futile ce soir tant on se laisse embarquer par les déplacements, le jeu, l’implication de chacun, et les quelques accessoires présents malgré tout – comme des verres pour les cœurs à l’auberge, des tabliers pour les trois cousines, des changements de costumes parfois très drôles, les fausses chaînes pour la prison, etc. Chacun maîtrise son rôle à merveille et tout semble fort bien calculé, le chef participant même parfois aux interactions, le Vice-Roi l’interrogeant par exemple lorsqu’il ne sait pas quoi faire du mari récalcitrant, ou bien lorsqu’il laisse sa baguette à La Périchole, complètement grise, pour les dernières notes de son air.

Cette dernière est à nouveau interprétée par Aude Extrémo qui renouvelle l’enthousiasme décrit par notre confrère en 2018. Le personnage profite d’une présence scénique captivante ainsi que d’une justesse d’exécution exemplaire tant dans la voix que dans le jeu. La mezzo-soprano déploie une voix de belle envergure, ample et soyeuse, charmeuse, chaude et lumineuse. Une belle définition du personnage en somme ! Quant à l’incarnation, il ne fait aucun doute que La Périchole, c’est elle, flamboyante et légère de bout en bout, délivrant un « Ah ! quel dîner je viens de faire » des plus amusants sans sombrer dans la caricature excessive. À ses côtés, François Rougier est un Piquillo tout aussi lumineux avec sa ligne de chant claire, ainsi que ses intonations précises et justes. Il est un ténor cinq étoiles pour ce rôle, mais c’est bien un trio étoilé que nous livre la distribution avec Alexandre Duhamel en Vice-Roi complètement farfelu. Il est de loin le personnage le plus drôle de la soirée, avec ses tenues excentriques (comme son entrée en peignoir léopard et caleçon blanc caché sous une couverture qu’il retire d’un coup en chantant « incognito », ou encore son interprétation du geôlier efféminé en tenue rose, serviette dans les cheveux comprise). Il est un roi d’opérette magistral et impayable, forçant le trait sans jamais perdre en crédibilité, et n’oubliant pas pour autant l’exigence et l’excellence du chant. Point des plus appréciables en l’absence de surtitrage, la prononciation générale permet de suivre les dialogues et l’histoire sans souci.

Les comprimari ne sont pas en reste non plus, à commencer par le superbe Don Pedro de Hinoyosa plein de classe d’Anas Seguin, mais tout aussi facétieux que le Don Miguel de Panatellas d’Eric Huchet. Les trois cousines que sont Olivia Doray, Julie Pasturaud et Adriana Bignagni sont parfaitement moqueuses, amusées et amusantes, tandis qu’une fois rejointes par Marie-Thérèse Keller, elles deviennent quatre dames de cour dédaigneuses mais toujours aussi drôles. Enfin, François Pardailhé (notaire puis prisonnier) et Sebastian Monti (notaire puis marquis) complètent la distribution sans fausse note aucune, même si l’on apprécierait peut-être une plus forte projection dans le parler pour ce qui est du second.

Côté fosse, sans surprise, c’est un grand bonheur que déverse Marc Minkowski à la tête des Musiciens du Louvre parfaitement aguerris à l’exercice offenbachien. Tous semblent s’amuser, y compris le premier violon lorsqu’il tend à Piquillo une corde pour se pendre, ou encore lorsque résonnent les notes de flûte en écho à la Flûte enchantée lorsque le jeune amoureux décompte en attendant de se suicider, amusant écho à l’œuvre de Mozart faisant peut-être référence au surnom qu’avait donné Rossini à Offenbach, à savoir « le petit Mozart des Champs-Elysées ». Le chef redonne au compositeur d’opérettes toutes ses lettres de noblesse, ses accents, son énergie intelligente et sa fraîcheur.

Une véritable réussite de bout en bout, un avant-goût des Fêtes dont on aurait eu tort de se priver et qui présage de très bons moments pour le public versaillais !

Elodie Martinez
(MC2 de Grenoble le 11 décembre 2019)

La Périchole au MC2 de Grenoble le 11 décembre, puis à Versailles à partir du 20 décembre.

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