L'Opéra de Paris renoue avec les bénéfices et esquisse sa saison 2024-2025

Xl_saison-2024-2025_opera-national-de-paris © Opéra de Paris

À la tête de l’Opéra de Paris, Alexander Neef imagine une saison lyrique 2024-2025 faisant une place à quelques propositions enthousiasmantes, à de vraies curiosités et plusieurs redécouvertes de référence portées par de belles distributions. Une programmation éclectique et équilibrée, qui doit fidéliser un public de retour, alors que l’Opéra de Paris renouait finalement avec les bénéfices en 2023 après plusieurs années de déficit.

Entre pandémie, crise énergétique et inflation, ces dernières années ont mis à mal la santé financière de bon nombre de maisons lyriques. L’Opéra de Paris dresse néanmoins un bilan plus positif de son exercice 2023, qui dégage un bénéfice pour la première fois depuis 2017 (à hauteur de 2,3 millions d'euros). C’est ce qu’indique le directeur Alexander Neef, en marge de sa présentation de la prochaine saison 2024-2025 de l’Opéra de Paris.

Le retour du public à l'Opéra de Paris

L’établissement revendique ainsi 241,4 millions d’euros de recettes en 2023 (pour 239,1 millions de dépenses), notamment grâce « au retour du public dans les salles » à hauteur de presque 800 000 spectateurs en 2023, soit un taux de remplissage de 93% contre 86% en 2022 – le rajeunissement du public est par ailleurs un enjeu majeur pour toutes les maisons d’opéra et l'établissement parisien précise que 17% des places vendues l’ont été à des spectateurs de moins de 28 ans (l’âge moyen des spectateurs de l'ONP est de 45,3 ans). Un engouement populaire qui se traduit dans les comptes de l’établissement, fort de 68 millions d’euros de recettes de billetterie (14 millions de mieux qu’en 2022).

La billetterie est néanmoins loin d’être la seule source de revenu de l’établissement, qui a pu compter sur 23,5 millions d’euros de recettes de mécénat (cinq millions de plus que les précédents records) et surtout 99,8 millions d’euros de subvention d’Etat, en hausse de six millions entre 2021 et 2023, ayant permis d’absorber une partie des effets de l’inflation. L'établissement parisien s'est aussi imposer « contenir » les dépenses de production artistique. 

Quid de la prochaine saison de l’Opéra de Paris et de sa capacité à attirer, voire fidéliser le public en 2024 et 2025 ? Alexander Neef en esquisse les grandes lignes, entre ouvrages de répertoire populaires et œuvres rares ou plus exigeantes. Au total, l’Opéra de Paris annonce six nouvelles productions très éclectiques (sept avec sept en y ajoutant L’isola disabitata, par les artistes de l’Académie) et une douzaine de reprises pour 189 représentations d’opéra au cours de la saison.

Un (nouveau) Ring et une prise de rôle de Ludovic Tézier

L’un des temps forts de la saison sera sans doute la résurrection de L'Or du Rhin confié au metteur en scène Calixto Bieito, après son annulation lors de la pandémie. L’opéra de Wagner donnera le coup d’envoi d’une nouvelle Tétralogie dont le cycle se poursuivra jusqu’en 2026 avec Le Crépuscule des Dieux à l’occasion des 150 ans du Ring. L’ouvrage devait initialement être dirigé par Gustavo Dudamel, directeur musical néanmoins démissionnaire l’année dernière, et c’est finalement le chef espagnol Pablo Heras-Casado qui reprend le podium – après avoir notamment dirigé le Ring du Teatro Real entre 2018 et 2022, et avoir été adoubé au Festival de Bayreuth la saison dernière.

La production attire néanmoins l’attention aussi pour sa distribution : Ludovic Tézier y interprétera son premier Wotan sur scène et Ève-Maud Hubeaux sa première Fricka. Parallèlement à cette double prise de rôle, on retient aussi l’Alberich de Brian Mulligan ou encore le Loge de Simon O'Neill.

Faire vivre le répertoire français

De tous les styles et pour tous les goûts, la saison affiche aussi des ouvrages français, qu'il appartient à l'Opéra de Paris de faire vivre (c'est l'une de ses missions). D’abord et en ouverture de saison, les rares Brigands d’Offenbach, opéra-bouffe « joyeusement absurde et satirique » qui n’avait plus été donné à Paris depuis plus de trente ans et qu’Alexander Neef confie au non moins réjouissant Barrie Kosky comme un remède à la mélancolie ambiante – avec Marcel Beekman (Falsacappa), Marie Perbost (Fiorella), Rodolphe Briand (Pietro) et Antoinette Dennefeld (Fragoletto), accompagnés dans la fosse par Michele Spotti.

Autre style, autre ambiance, la saison promet une nouvelle production de Pelléas et Mélisande confiée à Wajdi Mouawad pour mieux souligner « l’univers sensible et onirique » de l’ouvrage de Debussy (renouvelant ainsi la production de Robert Wilson donnée à Paris depuis des décennies). Sur scène, la délicatesse de Sabine Devieilhe aux côtés de Huw Montague Rendall dans les deux rôles titres, portés par la direction musicale d'Antonello Manacorda.

Et parce que l’opéra est un art vivant résolument ancré dans l’époque, la maison parisienne programme Castor et Pollux, tragédie lyrique de Jean-Philippe Rameau (ici donnée dans sa version de 1737 avec prologue). La production est confiée au metteur en scène Peter Sellars qui résume le sujet de l’ouvrage en une unique question : « comment est-ce qu’on arrête une guerre ? », Castor et Pollux est « une histoire de frère, mais aussi de fraternité universelle ». Comme un pied de nez, la fosse revient au chef russe Teodor Currentzis, parfois controversé, à la tête de l’Orchestre Utopia. On sera curieux de découvrir la lecture de l’œuvre par ce duo, portée sur scène Reinoud Van Mechelen et Marc Mauillon dans les rôles des Dioscures, et Stéphanie d'Oustrac et Jeanine De Bique dans ceux de Phébé et Télaïre. 

Une « inspiration dantesque »

Enfin, l’Opéra revendique une « inspiration dantesque » au travers de deux ouvrages issus plus ou moins directement de La Divine Comédie de Dante Alighieri. D’abord Il Viaggio, Dante de Pascal Dusapin, petite incursion de la maison parisienne dans le répertoire contemporain via cette commande conjointe avec le Festival d’Aix-en-Provence où la production (signée du metteur en scène Claus Guth) a été donnée en 2022. La production parisienne sera à nouveau dirigée par Kent Nagano, alors que le rôle de Dante et de son double jeune seront interprétés par Bo Skovhus et Christel Loetzsch.

La saison 2024-25 donnera aussi à voir et à entendre le Triptyque de Puccini dans une nouvelle production de Christof Loy, dont c’est étonnement la première mise en scène pour l’Opéra de Paris. La production pique aussi la curiosité notamment pour sa distribution : Asmik Grigorian interprétera les trois rôles féminins de Gianni Schicchi (inspiré d’un personnage de La Divine Comédie), d’Il Tabarro et de Suor Angelica – dernier ouvrage dans lequel la soprano arméno-lituanienne indique qu’il est « probablement l’opéra où (elle a) pu le plus exprimer et (s)on personnage et le drame ».

Une douzaine de reprises

Parallèlement à ces nouveaux spectacles, l’Opéra de Paris propose une douzaine de reprises, certaines données très régulièrement, d’autres plus rares, souvent portées à par des distributions ou des directions musicales qui devraient attirer le public.

En vrac et dans le désordre, mentionnons par exemple Les Puritains et La fille du Régiment dans les mises en scène de Laurent Pelly, avec respectivement Lisette Oropesa et Julie Fuchs ; le Falstaff de Dominique Pitoiset avec l’imposant Ambrogio Maestri ; la Manon de Massenet dans la mise en scène Vincent Huguet (et dirigée par Pierre Dumoussaud dont on connait le goût pour le répertoire français) avec Nadine Sierra et Amina Edris en alternance dans le rôle-titre aux côtés de Benjamin Bernheim et Roberto Alagna en des Grieux ; ou encore Faust par Tobias Kratzer avec Pene Pati dans le rôle principal, Alex Esposito puis John Relyea en Méphistophélès, aux côtés de Florian Sempey en Valentin et Marina Viotti en Siebel. On retrouvera l’incontournable Madame Butterfly de Robert Wilson, mais avec Speranza Scappucci à la direction et pour la première fois à Paris, la soprano Eleonora Buratto en Cio-Cio-San avec Aude Extrémo en Suzuki.

Certaines reprises se sont fait attendre depuis plus longtemps. The Rake's Progress d’Igor Stravinsky sera par exemple repris dans la mise en scène d’Olivier Py qui n’avait plus été donnée depuis 2012, avec notamment Ben Bliss, Golda Schultz et Jamie Barton, accompagnés par Susanna Mälkki. Cette saison 2024-25 sera aussi l’occasion de (re)découvrir la production onirique et enchanteresse signée André Engel de La Petite Renarde rusée de Leoš Janáček (donnée en 2008), servie par Elena Tsallagova, Paula Murrihy et Iain Paterson, sous la baguette de Juraj Valčuha.

L’Opéra de Paris d’Alexander Neef compose là une saison 2024-25 plutôt éclectique, riche et équilibrée en alternant des propositions enthousiasmantes, de vraies curiosités et quelques grandes références – qui permettent sans doute aussi de contenir les coûts de production. Chacun devrait y trouver chaussure à son pied, de sorte que l’établissement parisien maintienne le taux de remplissage de ses salles. Le détail de la saison à venir est disponible sur le site de l'Opéra de Paris.

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