Une saison 2024-2025 de « Sacrifices » au Grand Théâtre de Genève

Xl_grand-theatre-de-geneve_saison-2024-2025 © Grand Théâtre de Genève

Pour son avant-dernière saison à la tête du Grand Théâtre de Genève, Aviel Cahn compose une programmation 2024/25 faite de grands classiques de l’opéra mais confiés à des metteurs en scène résolument ancrés dans leur époque et portés par des distributions souvent attractives – voire enthousiasmantes. Tour d’horizon. 

Dans le contexte actuel, le « sacrifice » peut être synonyme de renoncement. Pour Aviel Cahn, encore à la tête du Grand Théâtre de Genève jusqu’en 2026, la notion de « Sacrifices » qui sert de fil rouge à sa saison 2024/25 renvoie davantage aux notions d’abnégation et de don de soi « par dévotion religieuse, pour une personne ou pour une cause ». C’est ainsi que le directeur du Grand Théâtre de Genève appréhende le destin des principaux héros – et surtout des principales héroïnes – des huit opéras qu’il mettra à l’affiche de son avant-dernière saison.

Quels opéras ? On connait le goût d’Aviel Cahn pour l’avant-garde et l’opéra contemporain. Il compose néanmoins ici une saison faisant plutôt la part belle aux grands classiques du répertoire opératique, mais qu’il teinte manifestement d’une certaine modernité via ses choix de metteurs en scène – plusieurs dont le public genevois a déjà pu apprécier le travail lors de saisons précédentes, puisqu’Aviel Cahn inscrit volontiers ses programmations dans des cycles permettant aux artistes de développer leur travail dans la durée.

Grands classiques et amours tragiques

L’ouverture de saison donne ainsi le ton avec les amours légendaires et tragiques de Tristan et Isolde (du 15 au 27 septembre). L’opéra de Wagner est de nouveau confié ici au metteur en scène Michael Thalheimer, après le Parsifal « désespéré » et clair-obscur de la saison 22/23. Sur scène, le ténor wagnérien Gwyn Hughes Jones et la soprano Elisabet Strid prêteront leurs traits aux amants maudits, notamment entourés de Kristina Stanek (Brangäne) et de Tareq Nazmi (Marke).

La saison de la maison de la Place de Neuve se poursuivra notamment avec les amours non moins tragiques de Salomé de Strauss, de Didon et Énée de Purcell ou de La Traviata de Verdi.

La mise en scène de Salomé (du 22 janvier au 2 février 2025) est assurée à l’homme de théâtre et réalisateur hongrois Kornél Mundruczó qui éclaire l’ouvrage de Strauss « d’un jour contemporain que la psychanalyse ne renierait pas », transposé dans « un penthouse dominant la skyline d’une Babylone de luxe ». En fosse, l’enthousiasmant chef finlandais Jukka-Pekka Saraste dirigera l’Orchestre de la Suisse Romande, alors que sur scène, le rôle-titre sera défendu par Olesya Golovneva face au Jokanaan de Gabór Bretz.

Pendant la pandémie, Didon et Énée avait fait l’objet d’une diffusion en streaming. La production revient cette fois en version scénique et en public du 20 au 26 février 2025, avec la volonté d’y faire se croiser la danse et l’opéra, orchestré par la compagnie belge Peeping Tom (souvent très créative). La fosse n’est pas en reste : Emmanuelle Haïm dirigera les musiciens du Concert d’Astrée. Sur scène, la mezzo suisse Marie-Claude Chappuis chantera Didon face à Jarrett Ott ou Francesca Aspromonte.

Enfin, La Traviata conclura cette saison 24/25 (du 14 au 27 juin 2025) dans une production de la metteuse en scène de théâtre allemand Karin Henkel, qui fera dialoguer le rôle-titre avec « des alter ego venus de différentes époques » pour mieux interroger « le sacrifice d’une héroïne du XIXe siècle à travers un regard féminin d’aujourd’hui ». La production suscite une certaine curiosité, d’autant qu’elle sera défendue sur scène en alternance par Ruzan Mantashyan et Jeanine De Bique, l’une et l’autre pour une prise de rôle en Violetta, et l’une et l’autre manifestement bien accompagnées par les Alfredo d’Enea Scala et Julien Behr.

Sacrifices idéologiques

Au Grand Théâtre de Genève, le sacrifice peut aussi être idéologique. En 2021, La Clémence de Titus mise en scène par le très politique Milo Rau avait dû être donnée à huis clos du fait de la pandémie – donnant lieu à une retransmission sur diverses plateformes numériques. Du 16 au 29 octobre prochains, elle sera finalement reprise en public au GTG pour questionner la capacité de l’art à changer le monde. La production sera dirigée par le chef d’orchestre tchèque Tomaš Netopil, emmenant une distribution très mozartienne : Bernard Richter dans le rôle-titre aux côtés notamment de Maria Kataeva en Sesto.

Le metteur en scène Calixto Bieito poursuivra aussi son cycle d’opéras russes avec La Khovantchina (du 25 mars au 3 avril 2025), toujours aux côtés du chef Alejo Pérez – donnée ici dans l’instrumentation de Chostakovitch, avec le final de Stravinsky. La mezzo-soprano américaine Raehann Bryce-Davis en Marfa et Dmitri Ulyanov en prince Ivan Khovanski partageront notamment la scène avec le baryton Vladislav Sulimsky.

Roberto Alagna et Barbara Hannigan

Les directeurs d’opéra sont habiles et savent attirer les spectateurs dans leur salle avec des distributions attractives, même en programmant des œuvres parfois un peu moins connues. C’est manifestement le pari d’Aviel Cahn qui propose Fedora d'Umberto Giordano du 12 au 22 décembre 2024, dans une mise en scène d’Arnaud Bernard. À l’affiche pour remplir la salle, le toujours très populaire couple Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak, qui feront là leurs débuts dans une œuvre lyrique au Grand Théâtre.

Dans un tout autre style mais non moins attractif, l'Opéra genevois réunit le metteur en scène Romeo Castellucci et la soprano et cheffe d’orchestre Barbara Hannigan, le temps d’un projet donné hors les murs, dans la cathédrale Saint-Pierre de Genève, autour du Stabat Mater de Pergolèse et des Trois prières latines de Giacinto Scelsi (1905-1988). Barbara Hannigan assurera la direction des ensembles baroque et contemporain Il Pomo d’Oro et Contrechamps, en plus de chanter aux côtés du contre-ténor Jakub Józef Orliński. Un projet aux allures d’événement.

Une saison 2024/25 de « sacrifices » au Grand Théâtre de Genève, mais qui ne sacrifie manifestement pas ni la curiosité, ni l’enthousiasme. Le détail de la saison et la billetterie sont disponibles sur le site de l’Opéra

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