My Fair Lady pour les Fêtes à l'Opéra de Marseille

Xl_fairlady © Christian Dresse

A l’instar de l’Opéra de Tours, qui proposait ce même titre au même moment, ce n’est pas une opérette que l’Opéra de Marseille a offert pour la période des fêtes de fin d’année, mais la célèbre comédie musicale My Fair Lady de Frederick Loewe, créée au Mark Hellinger Theatre de Broadway en 1956, avec Julie Andrews dans le rôle de l’héroïne. Basée sur un livret d’Alan Jay Lener, l’histoire s’inspire de la pièce Pygmalion de Georges Bernard Shaw. Le spectacle est un véritable succès et connaît plus de 2500 représentations jusqu'en 1962, avant d’être adapté au cinéma en 1964 par le cinéaste américain George Cukor, sous le même titre, avec Audrey Hepburn et Rex Harrison dans les deux rôles principaux. My Fair Lady se déroule à l’époque victorienne et met en scène Eliza Doolittle, jeune vendeuse de fleurs à la sauvette, pour qui la grammaire n’a aucune sorte d’existence. Elle rencontre à la sortie d’un théâtre le professeur Henry Higgins ainsi que le Colonel Pickering. Le premier estime que son talent de linguiste lui permettra de faire passer cette jeune femme pour une Duchesse en seulement quelques semaines de leçons particulières. Le pari est finalement conclu entre les deux hommes, et Eliza se rendra au bal de l’Ambassadeur quelques mois plus tard en se confondant à la perfection dans la masse des invités de la High Society anglaise. Une fois l’exercice réussi, Eliza constate qu’elle n’est guère qu’un objet pour Higgins, et choisit d’épouser par dépit le jeune Freddy, ce qui a pour conséquence de faire comprendre au professeur ses véritables sentiments pour Eliza…

En coproduction avec l’Opéra de Lausanne, la maison phocéenne a fait appel au metteur en scène français Jean Liermier afin de proposer, non pas une ancienne production (comme celle de Robert Carsen pour le Théâtre du Châtelet en 2010, ou encore celle de Paul-Emile Fourny créée à Metz en 2012, et reprise ces derniers jours à l’Opéra de Tours), mais bien une nouvelle. Le directeur du fameux Théâtre de Carouge (à Genève) n’a pas choisi entre version française et version anglaise, puisqu’il a décidé de conserver l’anglais pour le chant, tout en optant pour le français pour les dialogues parlés, afin de rendre le spectacle plus accessible au public. Toutefois, l’intégration d’expressions et de phrases anglaises dans les dialogues français peut parfois déconcerter. Le décor imaginé par Christophe de la Harpe est somme toute assez sobre et ne s’attarde pas sur l’accumulation de détails : le cabinet du professeur Higgins a quelque chose de spartiate, ce qui n’est pas incongru vu le personnage quelque peu antipathique tel qu’il se présente. Par un effet de machinerie, les façades extérieures du bar ou de la place d'un quartier londonien tournent sur elles-mêmes pour former les murs intérieurs dudit cabinet, mais pour la scène de course de chevaux à Ascot émerge un nouveau décor (photo) devant lequel passent les jockeys… et Mary Poppins sur son cheval de bois ! Un clin d’œil à celle qui façonna le rôle d’Eliza, mais il ne fut pas le seul lancé vers l’univers du musical (comme la jeune femme à vélo fredonnant « I’m singing in the rain »)…

Côté vocal, la soprano canadienne Marie-Eve Munger campe une Eliza Doolittle d’abord totalement décomplexée par sa grammaire, puis magnifique de tenue et de prononciation, métamorphosée par le professeur et le colonel (tout en conservant son fort caractère...). La voix s’élève de façon assurée dans l’aigu et chacun des airs entonnés est un délice. François Le Roux incarne pour sa part un professeur Higgins des plus remarquables, faisant résonner sa belle voix de baryton dans toute la salle avec une projection noble et altière, tandis que la suffisance, le caractère pédant ou encore la misogynie du personnage sont tout aussi parfaitement rendus, ce qui rend d’autant plus touchante la révélation de ses véritables sentiments dans la scène finale. Dans le rôle du Colonel Pickering, Jean-François Vinciguerra n’est pas une culotte de peau ronchonnante, mais a de l’autorité et du style. Le jeune Raphaël Brémard et le truculent Philippe Ermelier retrouvent, quant à eux, les rôles respectifs de Freddy et Alfred P. Doolittle qu’ils connaissent bien pour les avoir déjà interprétés à plusieurs reprises (à Avignon ou Massy). Chacun s’y illustre à merveille : amoureux  rêveur d’un côté, père ivrogne pour le second, personnage haut en couleur qui suscite l’hilarité du public tout au long de la soirée. A ce niveau, la pétulante Jeanne-Marie Lévy - Mrs Pearce à l'impayable accent teuton - n'est pas en reste, tandis que Cécile Galois, commédienne subtile, campe une Mrs Higgins mère éminemment distinguée.

A la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille est placé le dynamique chef français Bruno Membrey qui communique tout l’entrain et la joie dont la partition de Loewe est truffée à ses musiciens… ainsi qu’au public ! Et, ce n’est pas une mince affaire, il parvient ici à conférer à ce musical l’excellence de l’opéra sans pour autant lui faire perdre sa nature populaire…

Emmanuel Andrieu

My Fair Lady de Frederick Loewe à l’Opéra de Marseille, jusqu’au 7 janvier

Crédit photographique © Christian Dresse

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