Chronique d'album : "Mozart Concertante", d'Aleksandra Kurzak

Xl_mozart_concertante_kurzak © DR

Le mois dernier, la soprano polonaise Aleksandra Kurzak sortait son nouveau disque, Mozart Concertante, chez Aparté. Un disque qui, comme son nom l’indique, est consacré au plus célèbre des compositeurs et qui propose notamment sa Sinfonia Concertante pour violon, alto et orchestre (avec Yuuki Wong, Tomasz Wabnic et le Morphing Chamber Orchestra) en plus de six airs interprétés par la cantatrice. Le programme présent annonce donc le projet de mettre en avant le rapport mozartien entre voix et instruments, cette dialectique particulière dont on trouve écho également dans l’œuvre symphonique.

La pochette du disque est attrayante. C’est certes pour le beau « Mozart » qui s’y dessine, mais aussi – et surtout – pour le nom d’Aleksandra Kurzak qui revient vers le compositeur alors même que sa voix peut aujourd’hui la conduire vers bien des rivages musicaux.

C’est d’ailleurs avec un air et un personnage que la soprano connaît bien que s’ouvre le disque. Un retour aux sources puisqu’il s’agit de l’air de la Reine de la Nuit, « Der Hölle Rache » qu’elle a longtemps et souvent interpréter avant de décider de renoncer à toutes ses interventions dans ce rôle en 2006 (dans des circonstances qu’elle détaille dans une interview sur Ôlyrix). C’est donc avec un réel plaisir que l’on entend cet air parfaitement maîtrisé, dans une voix de soprano charnue qui, malgré sa rondeur, s’envole aisément – ou du moins donne cette impression d’aisance – dans des aigus et des vocalises habiles. Les phrases sont lancées avec caractère, le cisellement est net, et la puissance est bien là – peut-être parfois un peu trop pour l’écoute au disque en fin d’air. Des qualités qu'on retrouve tout au long de l’écoute, tant le personnage se prête particulièrement à l’explosion d’un tempérament de feu. On change radicalement de ton avec « Lungi da te, moi bene » (Mitridate, re di Ponto), bien plus langoureux. L’exécution de l’air « Ecco il punto…non piu di fiori » (La Clemenza di Tito) est lui aussi adroitement maîtrisé et sied à la voix d’Aleksandra Kurzak qui a gagné en poids et en largeur, ancrant plus solidement ses personnage dans le sol de la réalité.

Retour à la douceur avec « Ruhe sanft, mein holdes Leben » (Zaide) où, là aussi, une ou deux envolées aigües puissantes auraient peut-être mérité un autre traitement à l’enregistrement, où les aigus puissants peuvent devenir stridents là où ils seraient parfaitement à leur place dans une salle. D’autant plus que la soprano montre sa capacité à moduler son souffle, partant de la légèreté au cri qui s’envole.

« Ei parte… Per pieta » (Cosi fan tutte) et « Welcher Kummer… Traurigkeit ward mir zum Lose » (L'Enlèvement au Sérail) viennent clore l’écoute lyrique du disque, avant que l‘on ne plonge dans la partie purement symphonique de l’enregistrement, la Sinfonia Concertante pour violon et alto mentionnée plus haut. Si jusque-là, le Morphing Chamber Orchestra s’était montré excellent accompagnateur et partenaire dans ses échanges avec la soprano, il est tout aussi brillant lorsqu’il occupe toute l’attention. Ici, Yuuki Wong (violon) et Tomasz Wabnic (alto) y rivalisent de virtuosité, portés par l’ensemble aux multiples couleurs et nuances, dans un équilibre total des sons.

Au final, le disque est une sorte de « deux en un », une mise en abîme du dialogue entre musique et voix, la partie symphonique conséquente répondant à la première partie vocale, dans laquelle se glisse déjà un véritable échange entre les instruments et la voix d’Aleksandra Kurzak. Le tout servi par un livret explicatif assez riche et agrémenté de photos en plus des paroles des airs, pour mieux plonger dans l’univers mozartien de l’enregistrement.

Elodie Martinez

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