Don Giovanni ouvre la saison de la Scala

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Un nouveau Don Giovanni est toujours un événement : l’ouverture de la saison de la Scala de Milan avait donc toutes les raisons de faire événement, car c’était aussi la première fois que Daniel Barenboïm y officiait en tant que directeur musical et la première fois que le célèbre metteur en scène canadien Robert Carsen affrontait le chef-d’œuvre de Mozart. Le résultat a été accueilli triomphalement par le public milanais, pourtant réputé difficile, un public où l’on notait la présence du nouveau Président du Conseil, M. Mario Monti.

Robert Carsen est un homme de théâtre et un homme de réflexion : ces deux aspects de sa personnalité se retrouvent dans les partis pris de sa mise en scène. L’homme de théâtre apparait à travers la direction d’acteurs très soignée, extrêmement précise et inventive, à travers des scènes originalement traitées aussi, celle par exemple du meurtre du Commandeur sur le lit où Don Giovanni vient de posséder Donna Anna, celle du bal aussi, dans laquelle l’espace semble se déhancher et la confusion gagner peu à peu au rythme de la musique, celle encore, à la fin, du retour inattendu de Don Giovanni, après sa « mort », fumant négligemment une cigarette avec un sourire cynique. L’homme de réflexion s’affirme à travers l’espace créé pour cette mise en scène, un espace qui est celui du théâtre même, de la Scala, comme un miroir infiniment répété : ce n’est pas un hasard si le spectacle s’ouvre, durant l’Ouverture, par l’apparition de Don Giovanni se regardant dans un immense miroir qui reflète aussi toute la salle ! Tout le spectacle sera une permanente mise en abyme de la Scala, à travers des rideaux de scène coulissant latéralement, un lit de Donna Anna qui semble un prolongement du rideau, une cage de scène prolongée dans une perspective infinie – et jusqu’à l’utilisation récurrente de costumes en velours rouge qui semblent répéter la matière des sièges de la Scala ! En fait, Robert Carsen veut souligner la force du mythe en soulignant qu’il n’est qu’un dessin théâtral qui peut ensuite s’investir en chacun de nous – d’où la variété des costumes passant de références XVIIIème siècle à des costumes contemporains.

L’autre aspect attendu était la direction de Daniel Barenboïm : elle est somptueuse de pâte symphonique, portant les voix avec un souffle qui ne se relâche jamais. Sans doute eût-on pu concevoir qu’elle marque plus de théâtralité mais la pure beauté sonore, le raffinement des timbres instrumentaux, tout comble et offre aux voix un superbe tapis où s’ébattre. Et quelles voix ! Stéphane Lissner a assurément réuni la plus belle distribution qu’on puisse aujourd’hui imaginer pour servir ce Don Giovanni. Peter Mattei d’abord, dans le rôle-titre, est aujourd’hui sans égal : la suavité cynique de ses phrasés, l’autorité de sa projection vocale, l’intensité de sa présence de grand seigneur, tout en fait un Don Giovanni magistral. Mais ses partenaires sont à la hauteur, à commencer par l’éblouissante Donna Anna de la superlative Anna Netrebko : la voix est à son zénith, le timbre de feu et d’ambre, le souffle infini, les inflexions royales, les aigus pleins, la projection ardente, le personnage habité (son Or sai chi l’onore est d’anthologie). Et puis il y a le Leporello hénaurme de Bryn Terfel, voix et présence confondues dans une même puissance gourmande, l’Elvira irradiante de Barbara Frittoli, musicienne de classe, la finesse fruitée de la Zerlina d’Anna Prohaska, et, un cran en dessous, les prestations de Giuseppe Filianotti, Stephan Kocan et Kwangchul Youn.

Tout cela fait un spectacle superbe – qu’il sera difficile à voir d’ici le 14 janvier à la Scala car toutes les représentations sont déjà sold out – mais qu’on pourra découvrir sur grand écran les 7 et 14 juin dans les cinémas UGC puisqu’il y a été choisi, en exclusivité, pour la désormais fameuse série Viva l’opéra.

Alain Duault

Don Giovanni - 7 décembre 2011 - Scala de Milan

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