Opéra de Paris : la première (vraie) saison de Stéphane Lissner

Xl_onp-2015-2016 © OOL

On espérait beaucoup de l’arrivée de Stéphane Lissner à la tête de l’Opéra de Paris : on n’est pas déçu ! Quand on sait que des restrictions budgétaires sérieuses ont affecté le budget de cette maison, on a peine à comprendre comment ce diable d’homme peut proposer au public une saison aussi attractive en nombre de spectacles, aussi riche en nouvelles productions, aussi inventives du côté du renouvellement théâtral, aussi séduisantes en grandes voix réunies !

Car, si l’on commence par les voix, dont on sait qu’elles sont un des éléments premiers qui attirent le public, c’est bien simple, toutes les stars sont là, tous ces gosiers magiques qui enflamment les afficionados, tous ces ténors, ces sopranos, ces barytons dont les lyricomanes du monde entier rêvent, vous les entendrez cette saison à l’Opéra de Paris ! Du côté des ténors, Jonas Kaufmann mais aussi Roberto Alagna, Piotr Beczala, Marcelo Alvarez, Michael Fabiano, Bryan Hymel ou Alexandrs Antonenko ! Du côté des barytons, Bryn Terfel, Ludovic Tézier, Bo Skovhus, Stéphane Degout ou… Placido Domingo (en Germont père de La Traviata). Du côté des sopranos, Anna Netrebko, Sonya Yoncheva, Olga Peretyatko, Barbara Hannigan, Ermolela Jaho, Adrianna Pieczonka, Pretty Yende, Julie Fuchs, Aleksandra Kurzak, Julia Kleiter, Sondra Radvanovsky et… Anja Harteros (qui, c’est incroyable pour une telle star mondiale, fera ses débuts à l’Opéra de Paris !). Les mezzos ne seront pas en reste avec Elina Garança, Ekaterina Gubanova, Anita Rachvelishvili ou Sophie Koch. Sans oublier la grande basse russe Ildar Abdrazakov… qui, lui aussi, fera ses débuts à l’Opéra de Paris !... Une pluie, une averse de stars, dont beaucoup n’ont jamais été invités à l’Opéra de Paris : on a soudain le sentiment que cette maison s’ouvre à toutes ces voix qu’on attendait... mais qu’on allait écouter ailleurs !

Mais l’autre attractivité de cette première (vraie) saison de Stéphane Lissner est bien sûr le renouvellement théâtral : on l’attendait sur ce terrain et, là encore, on n’est pas déçu. Aussi bien dans sa politique de reprises (avec des spectacles signés Bob Wilson, Robert Carsen, Laurent Pelly, Olivier Py, Damiano Michieletto ou Herbert Wernicke) que dans les nouvelles productions où il va faire découvrir l’inventivité moderne de l’Italien Roméo Castellucci (pour Moïse et Aaron), du letton Alvis Hermanis (pour La Damnation de Faust), de l’allemand Claus Guth (pour Rigoletto), du norvégien Stefan Herheim (pour Les Maitres chanteurs) ou de l’espagnol Calixte Bieito (pour Lear) – dont aucun n’a encore travaillé à l’Opéra de Paris. Et il propose aussi de nouveaux spectacles à des metteurs en scène dont on a déjà pu mesurer l’imagination ces dernières années, de Dmitri Tcherniakov à Krysztof Warlikowski en passant par Alex Ollé (de la Fura del Baus).
Bref, le monde du théâtre contemporain, avec ses éclats, ses visions, ses parti pris, ses fulgurances, va irradier avec force les programmes de l’Opéra de Paris : en 2015, l’institution entre vraiment dans le XXIème siècle ! Bien sûr, il y aura sans doute des polémiques, de celles qui suscitent l’échange et la confrontation, car tout ce qui est nouveau ne réussit pas obligatoirement. Il y aura peut-être du déchet – mais il y aura de la vie !

On n’oubliera pas la place accordée au renouvellement des chefs – une réflexion qui s’est opérée bien sûr avec Philippe Jordan, le directeur musical de l’Opéra de Paris, qu’on aura plaisir à retrouver à la direction des productions-phares, de Moïse et Aaron à La Damnation de Faust ou des Maîtres Chanteurs au Chevalier à la rose. Mais on saluera aussi le retour d’Esa-Pekka Salonen, la découverte de deux chefs allemands encore peu entendus en France, Patrick Lange et Ingo Metzmacher, ou la présence en force des italiens (Stéphane Lissner vient de passer dix ans à la Scala de Milan et il y a testé ces chefs à découvrir…), Fabio Luisi, Nicola Luisotti, Daniele Rustioni, Daniele Callegari, Michele Mariotti, Giacomo Sagripanti, Donato Renzetti, mais on aura plaisir aussi, du côté des français, à retrouver les Marc Minkowski, ou Alain Altinoglu qui constituent la nouvelle vague des baguettes françaises et internationales. 

On ajoutera que La Damnation de Faust constitue « le début d’un cycle Berlioz » ou que l’Opéra du XXème siècle est représenté à la fois par un « classique », Moïse et Aaron de Schoenberg, et une « valeur sûre », Lear d’Aribert Reimann (1978) : Stéphane Lissner a su veiller aux équilibres – mais ce qu’on retiendra surtout de cette saison brillantissime, c’est l’aspect « festival permanent » de cette somptueuse programmation, avec ces stars vocales qui rappelleront aux plus âgés la fameuse « ère Liebermann » et, appuyée sur la nécessaire excellence musicale qui doit être le fondement d’une maison comme l’Opéra de Paris, l’assurance d’un renouvellement visuel et théâtral qui fera parler aux entractes, et même après... Le nouveau Directeur n’a pas raté son entrée. Son seul problème est qu’il a placé la barre si haut qu’il va lui être difficile de tenir les années suivantes à ce rythme !

Alain Duault

| Imprimer

En savoir plus

Commentaires

Loading