L'Elixir d'amour en clôture de saison à l'Opéra Grand Avignon

Xl_elisir © Cedric Delestrade

Déjà signataire - dans la cité papale - d’une production d’Orphée et Eurydice (moyennement appréciée) et d’une autre de Carmen (plus inspirée), Fanny Gioria s’affirme comme une bonne directrice d’acteurs avec cette nouvelle production de L’Elixir d’amour de Gaetano Donizetti qui clôt la saison avignonnaise. Aidée de son scénographe Hervé Cherblanc, elle transpose l’action dans une fête foraine où trône une grande-roue immobile, une fête qui apparaît ainsi quelque peu mélancolique… mais finalement à l’image de la comédie douce-amère que narre le livret de Felice Romani. Nemorino y tient un chariot à confiseries tandis que Dulcamara fournit ses fameux élixirs au moyen d’un distributeur automatique de canettes ! (photo). Evoquons aussi l’hilarant moment où les militaires que commande Belcore (ici des membres de l’Opération Sentinelle qui rôdent déjà dans la salle avant le début du spectacle…) troquent leurs treillis pour des tutus, et se lancent dans une chorégraphie loufoque (imaginée par Eric Belaud) qui provoque l’hilarité du public. Les costumes bariolés d’Irène Bernaud apportent, enfin, un supplément de vie et de poésie à ce spectacle très applaudi au moment des saluts.

Dans le rôle de Nemorino, le jeune ténor malgache Sahy Ratia fait sensation : il en a le physique simple et touchant, et il triomphe dans la fameuse romance, « Una furtiva lagrima », détaillée avec d’exquises délicatesses, qui met en valeur son joli ténor léger. Mais, si on lui sait gré de ne jamais forcer l’émission, on peut cependant regretter un chant un peu trop uniformément sentimental et une absence de mordant dans l’émission qui nuit à la projection. La soprano kazakhe Maria Mudryak - déjà plébiscitée dans ces colonnes pour une Scala di Seta liégeoise en 2016 - campe une Adina plus corsée que de coutume dans cet emploi, dotée d’une voix néanmoins agile et à l’aigu facile, et par ailleurs davantage soucieuse de nuances que de décibels. De son côté, le baryton français Philippe-Nicolas Martin possède exactement le physique du rôle de Belcore - bellâtre militaire à l'imposante carrure et au sourire carnassier -, et offre une interprétation pleine de panache. A son allure machiste, il ajoute une vraie aisance dans les vocalises, une élégance dans la ligne de chant et un timbre vibrant. Las, on tombe de plusieurs crans avec le Dulcamara du baryton belge Sébastien Parotte qui ne possède aucune des qualités requises pour rendre justice à son personnage : italien défaillant, aigus poussifs, ligne de chant heurtée, il s’avère incapable de surmonter le chant sillabato après lequel il court en vain… Grimé en Doc (de Retour vers le futur), reconnaissons-lui cependant un vrai talent comique, mais on lui préfère quand même le rôle très secondaire de Giannetta auquel Pauline Rouillard confère vivacité d’esprit et agilité vocale.

En fosse, Samuel Jean - premier chef invité de l’Orchestre Régional Avignon-Provence - propose une direction très enlevée, faisant valoir la richesse très colorée de la partition, tandis que le Chœur de l’Opéra Grand Avignon se montre également en grande forme.

Emmanuel Andrieu

L’Elisir d’amore de Gaetano Donizetti à l’Opéra Confluence d’Avignon (mai 2019)

Crédit photographique © Cédric Delestrade
 

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