Sabine Devieilhe et Raphaël Pichon retrouvent Mozart à La Monnaie

Xl_sabine_devieilhe_mozart_weber_-_molinavisuals_16 © Warner Classics/MolinaVisuals 16

Ce dimanche soir, le Théâtre royal de la Monnaie proposait en livestream un récital de haut ramage mozartien en compagnie de Sabine Devieilhe, accompagnée de Raphaël Pichon, dans le cadre d'un programme qui s’inscrit dans le mois mozartien de la maison. Le chef et la cantatrice connaissent bien le compositeur pour l’avoir déjà travaillé lors d’une tournée de récitals et d’un disque intitulé Mozart, The Weber sisters. Disque dont nous retrouvions par ailleurs certains airs lors de la soirée bruxelloise.

Il faut bien avouer que même si la diffusion en direct n'offre pas la même magie ni les mêmes émotions qu’en salle, cette retransmission était fort bien orchestrée, filmée, et promettait un programme des plus attrayants pour un tarif imbattable (six euros la « place »). Il n’est pas aisé de proposer une soirée mozartienne originale, mais il fallait ici faire confiance aux artistes. Ils proposaient un programme « Mozart Akademie », faisant la part belle à la musique de danse du compositeur et en se limitant à la période 1782-1783. Nous entendrons ainsi la Haffner Sinfonie, entrecoupée d’airs afin de mêler le chant à la danse et à la musique. Un schéma qui fait écho à l’Akademie de Mozart proposée le 23 mars 1783 à Vienne, « et probablement aussi à la conception en vogue à l’époque selon laquelle un morceau de musique a une fonction utilitaire et n’est pas (encore) considéré comme une œuvre à part entière au caractère inviolable », selon les mots de l’introduction.

C’est donc par du chant que s’ouvre la soirée, avec soin et délicatesse puisqu’il s’agit de l’air « Ridente la calma » qui porte merveilleusement sa signification : « Qu’un calme serein se niche en mon âme ; qu’il n’y reste plus trace de crainte ou de fureur ». Le début a capella nous plonge derechef dans l’atmosphère calme et apaisante de l’air, portée par la technique et la voix de Sabine Devieilhe, puis appuyé également par l’orchestration de Vincent Manac’h. La subtilité nous permet ainsi de nous dépouiller avec douceur des maux du quotidien et des soucis pour se laisser ensuite porter par la soirée.

La fougue est d’ailleurs ensuite au rendez-vous avec trois des Six danses Allemandes (le Trio « Die Schlittenfahrt »). Nous prenons alors plaisir à retrouver Raphaël Pichon, ici à la tête de l’Orchestre symphonique de la Monnaie, dans cette énergie qui le caractérise. Ses gestes deviennent une chorégraphie de direction tant le chef est expressif, et l’on voudrait presque se lever pour exécuter quelques pas de danse devant son écran. L’orchestre confirme ici un bel équilibre, notamment des cordes, une belle harmonie, ainsi qu’une ligne de direction claire.

Retour ensuite au chant avec l’indémodable et si fameux air de la Reine de la Nuit, « Der Hölle Rache », dans lequel la soprano française s’est tant illustrée. On prend toujours autant de plaisir à l’entendre dans cet exercice virtuose, et l’on apprécie l’évolution de la voix, plus mature, plus assurée encore y compris dans le medium. « Vorrei spiegarvi, oh Dio » confirmera d’ailleurs cette impression que la voix a évolué dans le sens de la maturité, sans pour autant perdre de sa virtuosité. Sabine Devieilhe ne cesse d’impressionner, même dans cette belle évolution, aux nuances déjà bien différentes de celles présentes sur le disque cité plus haut. Il est alors difficile durant la soirée de se retenir d’applaudir, de crier « bravo », ou de subir le silence entre deux airs ou mouvements.

Place ensuite au premier mouvement de la Haffner Sinfonie qui offre une belle énergie. Le chef est décidément un maître mozartien, et délie les notes de la partition, les faisant ainsi virevolter jusqu’à nous. Ses intentions sont parfaitement claires et l’orchestre de la maison, au meilleur de sa forme, ne fait qu’un pour servir la musique, proposant de belles couleurs et une solidité à toute épreuve. Les mouvements des archets accompagnent le mouvement de la voix dans « Ruhe sanft, mein holdes Leben », qui est l’un des beaux moments de la soirée, tandis que « Schon lacht der holde Frühling » viendra clore la soirée.

C’est donc un très beau concert que nous ont proposé le Théâtre de la Monnaie, son orchestre, Raphaël Pichon et Sabine Devieilhe. Malgré le vide de la salle, ils ont su la remplir de vie et de vitalité mozartienne pour le plus grand plaisir d'un public « à distance », qui attend hâtivement de pouvoir retrouver les artistes pour de futurs rendez-vous au cours desquels il pourra partager son enthousiasme.

© Warner Classics/MolinaVisuals (pour l'enregistrement du disque Mozart, The Weber sisters)

Elodie Martinez
(Live-stream du 7 février 2021, en direct de Bruxelles)

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