Giuseppe Verdi

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Informations générales

  • Date de naissance:10/10/1813
  • Date de décès:27/01/1901
  • Nationalité:Italie

Biographie

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« Artisan d’abord », écrivait Alain à propos de l’artiste : cette formule prend une résonance toute particulière lorsque l’on considère la vie de Verdi et les voies qu’a prises chez lui la composition de son oeuvre.

Avec ce musicien qui fut un jeune paysan né le 10 octobre 1813, issu d’une modeste famille du hameau des Roncole en Italie, nous ne sommes en effet pas exactement face à un génie inné, comme donné tout d’un coup, tel qu’on a pu le décrire chez Mozart. La légende a eu beau s’emparer du personnage, en racontant qu’au moment où sa mère lui donnait naissance, une musique jouée sous sa fenêtre aurait pénétré dans l’esprit du nouveau-né faisant ainsi « éclore » un sens tout particulier, il semble qu’en réalité, si le jeune enfant avait un réel sens musical, la composition et l’exécution musicales seront deux choses qu’il apprendra avec le soin, la rigueur et le labeur propre au paysan travaillant ses terres, qu’il restera toute sa vie.

Mais cet attachement à la terre, c’est tout aussi bien celui de la terre paysanne et de ses acteurs, que celui de la terre d’Italie, pays adoré dont Verdi aura pu voir l’unification étatique. Et ceci se retrouve dans sa musique qui a été si populaire, aux deux sens du terme : populaire parce que fameuse, chantée par toutes les voix d’Italie, mais populaire surtout et aussi parce que proche du peuple. Celui-ci reconnaît en elle cette sincérité et honnêteté toute brute qui était celle de Verdi. Les passions et instincts y apparaissent tels qu’ils peuvent être ressentis par tout un chacun, l’âme humaine y est exposée sans les artifices d’un monde de faux-semblant vis-à-vis duquel Verdi restera toujours en retrait, ou du moins sur la réserve. On pense à cet égard aux exemples poignants de solitude absolue de Violetta dans La Traviata ou de Leonora dans La force du destin : il est un point de sincérité en effet, de pureté, ou l’âme ne peut plus s’en remettre qu’à Dieu.

 

Les débuts du musicien

 

            Le jeune Verdi découvre donc la musique d’une façon toute simple, en jouant d’une petite épinette que son père lui avait achetée, et sans doute aussi par les messes auxquelles il assiste tout d’abord en tant qu’enfant de chœur, avec une attention si musicale qu’il en oubliera de porter le vin et l’ostie au prêtre, tout fasciné qu’il était par l’orgue qui jouait. Le prêtre lui donnant un coup de pied en guise de représailles, le jeune garçon s’écria : « que le bon Dieu te foudroie ! », montrant ainsi à la fois à quelle hauteur il plaçait la musique, et un caractère peu enclin au compromis dans ce domaine – deux choses qui demeureront toute sa vie.

D’éducation modeste, c’est donc essentiellement en autodidacte que Verdi va apprendre le jeu et la composition, même s’il rencontrera le regard bienveillant du directeur de l’école de musique de Busseto (petite ville près des Roncole), qui prendra soin de lui. Et notamment, en le présentant à un mécène, Antonio Barezzi, qui accordera bien plus qu’un simple confort au jeune Verdi puisque notre compositeur épousera sa fille Margherita en 1836, avec laquelle il aura deux enfants. Mais avant tout, pour pouvoir épouser Margherita, le jeune Verdi aura à s’établir une situation, ce qu’il cherchera à faire à Milan en se présentant au Conservatoire. Recalé, il n’en reste pas moins que Milan demeure le lieu où Verdi fait l’une des rencontres les plus notables de sa vie : celle du théâtre, qui sera pas la suite le fil conducteur de sa passion.

S’il est nommé en 1836 Maître de Chapelle de Busseto, Verdi n’oublie pas l’effet qu’a provoqué sur lui Milan et son théâtre. Aussi convainc-t-il en 1839 l’impresario du théâtre de la Scala, Merelli, de jouer Oberto, son premier opéra. Mais ici le destin semble tracer une fulgurante fissure : d’un côté, tout ce qu’avait construit Verdi jusqu’alors s’effondre, puisqu’il perd successivement ses deux enfants et la douce Margherita, qui succombe en 1840 d’une encéphalite. D’un autre côté, la représentation d’Oberto offre déjà de belles promesses à cette carrière naissante, et a lieu grâce à l’aide de la jeune cantatrice Giuseppina Strepponi, maîtresse alors de Merelli, et qui deviendra finalement la seconde femme de Verdi en 1859.

Peut-être peut-on placer l’échec que connaîtra le second opéra de Verdi (un opéra-bouffe), Un giorno di regno, au compte de sa situation sur cette faille sidérante ; toujours est-il qu’après une période de découragement lors de laquelle il ne mange presque plus et jure de ne jamais plus composer d’opéra, Verdi va se remettre au travail. C’est que Merelli lui propose le livret d’un opéra, I Proscritto, qui fait vive impression sur Verdi et fait renaître en lui le désir de créer. Ce sera le triomphe immense en 1842 de Nabucco, triomphe aussi encourageant qu’inattendu. En effet, ainsi qu’il était d’usage à l’époque, le compositeur se trouvait dans la fosse d’orchestre à la première représentation : or quand le bruit de la foule enthousiaste s’éleva, le jeune Verdi crut d’abord à une entreprise dirigée contre lui. Il n’en était rien, et l’adoration du peuple italien pour Verdi se poursuivra à tel point qu’on est saisi par cette image marquante qui a lieu cinquante ans plus tard, où des milliers de personnes viendront acclamer le compositeur sous son balcon après la première d’Otello. Il est aisé de voir ici une ferveur à laquelle seuls des événements comme le salut des rois ou des papes nous ont accoutumés.

 

Verdi, son œuvre et son public

 

A partir de 1842 et du triomphe de Nabucco, la vie de Verdi semble essentiellement rythmée par la création de ses œuvres, notamment dans cette période qu’il nomma « les années de galère », lors de laquelle il composa seize opéras en dix ans (1843-1853). Si l’on devait dessiner la figure de sa carrière, sans doute le croquis montrerait le tracé d’une expansion vers des œuvres de plus en plus abouties et acclamées, tant il est vrai que le travail du compositeur va gagner en soin et en finesse, notamment du point de vue du traitement de l’orchestre. On pense à ces mots que Verdi prononcera en 1873 à propos de son Requiem : « Il me semble que je suis devenu quelqu’un de sérieux, et que je ne suis plus un batteur d’estrade, qui crie au public : « Entrez, entrez, Mesdames et Messieurs !... » en tapant sur une grosse caisse… » D’un Verdi qui au départ s’attachait avant tout à faire fructifier le capital de ses opéras, en cultivateur de terres prévoyant, on arrivera à un homme dont le succès et la situation sont si établis qu’il peut consacrer du temps à l’écriture de ses derniers opéras, les faire mûrir dans son esprit en même temps qu’il s’occupera de faire mûrir le raisin de sa propre récolte de vin.

Le travail de l’artisan se sent ici dans la façon dont Verdi éprouve petit à petit la façon de travailler son « matériau », que celui-ci soit la voix ou le texte. Car notre compositeur, avançant prudemment mais sûrement, transformera l’opéra tel qu’on l’avait connu dans le Bel Canto, en jouant sur les tessitures des voix qu’il élargit, et en menant un travail dans une collaboration de plus en plus étroite avec des librettistes qui jusqu’alors ne faisaient que livrer leur texte tout fait sans considération d’aucune sorte pour le musicien. Pour Verdi, on ne peut séparer le texte et la musique, et ces deux parts doivent se nourrir l’une l’autre : un travail conjoint qui aboutira à cette belle alliance et amitié qu’il connaîtra avec le librettiste Boïto, avec lequel des mois durant ils prépareront ensemble en secret Otello et Falstaff (et remanieront le livret de Simon Boccanegra).

Certes, comme toute transformation des formes et limites musicales, ces innovations de Verdi ne seront pas toutes bien reçues. D’une Traviata désapprouvée par le public à cause des mœurs douteuses qu’elle expose, aux œuvres dans lesquelles les critiques n’ont vu dans le soin tout particulier accordé à la symphonie, qu’un essai raté d’égaler Wagner (Don Carlos, et même Rigoletto !), en passant par des accusations de laideur dans les cris ou bruits incorporés dans le chant, Verdi a eu plus d’une fois l’occasion de se vexer, ce que son tempérament susceptible rendait d’autant moins difficile. On pense notamment à sa réflexion qui suivit la représentation de Macbeth – qui, sans être un succès tel qu’il l’attendait fût tout de même jugé satisfaisant pour le public – : « Tout bien calculé, pesé et additionné, Macbeth est un fiasco. Amen. Cependant, j’avoue que je ne m’y attendais pas. Il me semblait que je n’avais pas trop mal fait – mais il paraît que j’avais tort. » Le jeune enfant qui grondait le prêtre n’est pas si loin… Mais Verdi connaît parallèlement de belles réussites (Rigoletto et Le bal masqué plaisent tout particulièrement au public), qui permettent de caresser un orgueil qui sera comblé lors des derniers triomphes, quasiment sans équivalents dans l’histoire lyrique : Aïda, Otello et Falstaff.

 

Un musicien engagé pour la nation et pour les siens

 

Par ailleurs, Verdi jouera un rôle dans l’unification politique du pays, sans que l’on sache trop dans quelle mesure cette vocation sera portée par la musique ou au contraire à l’origine parfois de celle-ci. D’abord unificateur purement (mais solidement) symbolique, par des chants que le peuple s’appropriera : déjà le Va pensiero de Nabucco avait enthousiasmé les foules, était devenu le chant d’une Italie oppressée par le joug étranger ; Verdi écrira ensuite un hymne de guerre (Suona la tromba) pour Mazzini, révolutionnaire combattant pour l’unification italienne. Plus concrètement, Verdi assumera un rôle politique dans le pays en siégeant au parlement de la monarchie piémontaise. Si cette carrière politique ne sera pas longue, Verdi préférant se consacrer à la composition, on peut néanmoins prendre la mesure du symbole que représenta sa figure en considérant ce qu’il advint de son nom : VERDI, pour Victor-Emmanuel, Roi D’Italie, écrit sur tous les murs de la jeune nation.

La tâche d’unification achevée, Verdi peut retourner à une autre tâche qui occupe ses pensées depuis l’échec de son second opéra (Un giorno di regno) : écrire un opéra comique. Il mûrit donc ce projet, tout en s’occupant à rendre la vie plus douce aux paysans d’une région natale dans laquelle il se sera ressourcé tout au long de sa vie, en mettant en place un système d’irrigation des terres. Il crée également une « Maison de repos pour musiciens » à Milan, poursuivant ainsi une certaine ligne philanthropique. Et c’est sans doute le sourire d’une providence reconnaissante que l’on pourra reconnaître dans le sourire de Falstaff, son dernier opéra, comique comme il l’avait rêvé, et révélateur de la jeunesse de ce compositeur qui a alors quatre-vingts ans. C’est le sourire des cieux, pour célébrer la vie d’un homme qui demeura toujours fidèle à ses plus sincères convictions.

Verdi s’éteindra le 27 janvier 1901 ; mais la foule émue reprendra ce sourire en transportant le corps de Verdi au son du Va pensiero, vers le jardin de la maison pour musiciens, où il repose encore aujourd’hui, auprès de sa fidèle Giuseppa Strepponi.

 

-- par Manon Bosc

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