L'Affaire Makropoulos de Janacek à l'Opéra de Flandre

Xl_makropoulos © Annnemie Augustjins

Donnée en ouverture de la saison 16/17 de l'Opéra de Flandre (intitulée « borderline »...), L'Affaire Makropoulos de Leos Janacek vient de remporter un franc succès à Anvers... avant de continuer sa route vers Gand, le mois prochain. L'ouvrage est pourtant jugé difficile, avec son intrigue compliquée (qui narre les aventures d'une femme malheureuse, qui atteint l'âge de 337 ans grâce à un élixir de longue vie), son recours à un langage presque parlé frisant la prolixité, et son refus de tout emprunt aux tournures du folklore morave, qui avaient assuré la réussite des opéras antérieurs du génial compositeur tchèque.

La soprano suisse Rachel Harnich – incandescente Rachel dans Les Huguenots lyonnais la saison dernière – est une Emilia Marty de haute volée. La voix possède la dureté inhumaine et la violence cynique que l'on attend du personnage, tout en trouvant des réserves de malléabilité insoupçonnées pour sculpter un monologue final d'une bouleversante intensité. Ses partenaires masculins ne déméritent cependant pas face à elle, à commencer par le ténor allemand Michael Laurenz qui campe un Albert Gregor très crédible, à la présence prégnante, et doté d'un timbre non seulement agréable à entendre, mais aussi  formidablement projeté. Le baryton-basse autrichien Michael Kraus ne fait qu'une bouchée du rôle de Jaroslav Prus, en lui prêtant sa voix à la fois profonde et joviale. Le solide ténor de Guy de Mey rend bien la nostalgie sentimentale de Hauk-Sendorf, alors que Karoly Szemerédy et Sam Furness, malgré la brièveté de leurs interventions, donnent un maximum de poids dramatique à Kolenaty et Vitek. Enfin, Raehann Bryce-Davis est une Kristina sympathique et chaleureuse, tandis qu'Adam Smith confère au personnage de Janek l'aspect falot qu'il requiert.

Le chef tchèque Thomas Netopil, grand connaisseur et défenseur des œuvres du Maître de Brno, nous fait entendre - à la tête de l'Orchestre Symphonique de l'Opéra de Flandre - un Janacek aéré et d'une incroyable transparence. La finesse dans le détail, le soin apporté aux nuances donnent à la musique de Janacek une rondeur inhabituelle, sans rien retirer à la tension de la partition.

La réalisation du cinéaste hongrois Kornel Mundruczo – signataire, in loco, d'un mémorable Château de Barbe-Bleue de Bartok – séduit dans le détail. Chaque geste est juste, chaque déplacement calculé au plus près, chaque réaction traduite avec une rare efficacité scénique. Malheureusement, la mise en image reste trop passe-partout et bien trop réaliste (hors la scène finale), Monika Pormale se contentant de transposer l'action d'abord dans un tribunal puis dans une villa high-tech (dont le grand frigo américain est bourré de poche d'un liquide noir qu'Emilia Marty s'injecte en intraveineuse, lui assurant son éternité). Finalement, seule la dernière image imprime durablement la rétine quand – pendant la confession puis le suicide de l'héroïne - tout le mobilier de l'appartement se met à se soulever et à tournoyer en l'air tandis que les murs dégoulinent de la mystérieuse substance noire...

Emmanuel Andrieu

L'Affaire Makropoulos de Leos Janacek à l'Opéra de Flandre, jusqu'au 9 octobre 2016

Crédit photographique © Annemie Augustijns

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