Les Caprices de Marianne à l'Opéra de Marseille

Xl_les_caprices_de_marianne © Christian Dresse

Après le succès obtenu in loco il y a deux saisons par La Chartreuse de Parme, c'est un autre ouvrage lyrique du compositeur bordelais Henri Sauguet que proposait, quatre soirées d'affilée, l'Opéra de Marseille : Les Caprices de Marianne. Cette production est en fait le fruit d'une collaboration entre pas moins de quinze maisons d'opéras en France, placée sous la férule du Centre Français de Promotion Lyrique qui s'est chargé de recruter les quelque 18 chanteurs participant au projet (qui bénéficie d'une double distribution) ainsi que l'équipe de production.

Créé au Festival d'Aix-en-Provence en 1954, Les Caprices de Marianne marque un véritable aboutissement dans la carrière de Sauguet, mais l'ouvrage ne s'inscrira cependant pas au répertoire, et l'on ne compte guère, ces trente dernières années, que deux reprises : une au Théâtre Impérial de Compiègne et l'autre à l'Opéra de Dijon. L'œuvre bénéficie d'une adaptation très réussie par Jean-Pierre Grédy de la pièce homonyme d'Alfred de Musset, qui narre une tragique histoire d'amour et de mort entre quatre personnages : Marianne, impulsive et déconcertante, Claudio, son vieux mari soupçonneux et ridicule, Octave, personnage sceptique et libertin et Coelio, jeune homme passionné et idéaliste. La belle Marianne est prompte à vouloir celui qui ne se soucie point d'elle, c'est-à-dire Octave au détriment de Coelio, et à ce jeu capricieux de l'amour se mêlera bientôt la tragédie et la mort. Quant à la partition, elle intègre à la fois des moments nerveux et d'autres plus élégants et mélancoliques.

Confiée à Oriol Thomas, la proposition scénique se distingue d'abord par son élégant décor (signé Patricia Rudel) qui représente la Galleria Umberto I de Naples, ici représentée de manière très stylisée et avec une impressionnante perspective. Le dôme central sonne l'impression d'une toile d'araignée dans laquelle viennent bientôt se débattre les protagonistes de cette tragique histoire. Les superbes éclairages d'Etienne Boucher viennent quant à eux refléter, par leur caractère changeant, les états d'âme des différents personnages. De la belle ouvrage qui flatte à la fois l'œil et l'esprit...

La distribution vocale choisie par Raymond Duffaut - directeur du CFPL - ne comporte aucune faiblesse, à commencer par le Coelio du brillant ténor français Cyrille Dubois, qui vient tout juste de décrocher la Victoire de la « Révélation lyrique » de l'année 2015, et qui nous a accordé un entretien il y a quelques jours. Comment ne pas être ébloui, une fois de plus, par la suavité des aigus et par le jeu ardent de ce jeune chanteur auquel on prédit un avenir brillant. Marianne est interprétée par la soprano tchèque Zuzana Markova – mémorable Lucia di Lammermoor in loco la saison dernière – qui nous régale à nouveau de sa voix claire et puissante, à la ligne de chant idéale et au français châtié. Superbe découverte que le baryton lillois Philippe-Nicolas Martin dans le rôle d'Octave : timbre charmeur, chant raffiné et comédien talentueux. Parmi les personnages « secondaires », citons la basse monégasque Thomas Dear, Claudio glacial et ridicule, Sarah Laulan, Hermia aux graves aussi sonores que somptueux, Julien Dréan, Duègne alcoolique à l'impayable numéro, Raphaël Brémard, Tibia cynique et ignoble à souhait, Jean-Christophe Born, Aubergiste au sourire radieux et enjôleur, et enfin Tiago Matos, Chanteur de Sérénade élégant et inspiré.

Enfin, le chef alsacien Claude Schnitzler dirige cette délicate partition avec tout l'amour et la connaissance profonde de cette musique qu'on lui connaît, bonheur d'autant plus parfait que la phalange maison sait rendre pleinement justice à la transparence et à la fraîcheur d'un ouvrage qu'on aura beaucoup de plaisir à réentendre lors de la continuation de sa tournée un peu partout en France jusqu'en 2016.

Emmanuel Andrieu

Les Caprices de Marianne d'Henri Sauguet à l'Opéra de Marseille - Du 29 janvier au 1er février 2015

Crédit photographique © Christian Dresse

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